«Arx tarpeia Capitoli proxima»
(La roche Tarpéienne est près du Capitole)
La roche Tarpéienne était dans la Rome antique, l’endroit d’où l’on précipitait les traîtres, les criminels (mais également les enfants infimes ou déficients) pour les exécuter.
Elle se situait à l’une des extrémités de la colline du Capitole, centre névralgique du pouvoir civil, militaire et surtout religieux de l’Urbs (la «ville»). Le capitole (devenu nom commun), séjour des dieux est l’équivalent de l’acropole grecque. Le mot même de capitole qui vient du latin caput (la tête, le sommet) exprime cette idée de pouvoir suprême.
Entre les deux se trouvait une dépression: l’Asylum (qui a donné asile), une appellation à méditer en ce que la gloire ou la turpitude, la victoire comme la défaite, procèdent de la même folie qui les relie.
Le Capitole, séjour des dieux, côtoie ainsi le lieu de la disgrâce, et nombre de personnages de l’antiquité romaine passèrent de l’un à l’autre, de la grandeur à la déchéance, avec autant de facilité qu’un directeur actuel du F.M.I.
Le Capitole, séjour des dieux, côtoie ainsi le lieu de la disgrâce, et nombre de personnages de l’antiquité romaine passèrent de l’un à l’autre, de la grandeur à la déchéance, avec autant de facilité qu’un directeur actuel du F.M.I.
Alors que l'on pérore dans les milieux autorisés, on ferait bien d'entendre la maxime, toujours d'actualité, même à l'heure taurine.
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On l’aura remarqué, j’aime bien les citations.
Elles constituent un signe de la grâce par lequel un auteur trouve la formulation la plus explicite pour résumer une situation, un sentiment, une idée.
Parmi ces citations, je chéris tout particulièrement celles des antiques, parce qu’elles ont traversé les siècles en véhiculant une sagesse ou une acuité qui font souvent défaut à nos âges du paraître.
En ce moment, surtout dans les épisodes où les hommes s’illusionnent de succès éphémères en se persuadant de maîtriser leur destin, cette citation là me vient souvent à l’esprit accompagnée de son corollaire, énoncé par l’athénien Euripide: «Les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre.»
En pleine relecture de «L’histoire de la guerre du Péloponnèse» de Thucydide et du commentaire qui en est fait par l’historien américain Victor Davis Hanson (un inspirateur des néo-conservateurs US), je me confronte à l’actualité brûlante de ces œuvres et de ce thème de l'aveuglement.
Le monde et l’environnement vus par le petit bout de la lorgnette, les délires outrancièrement élogieux, et surtout ce que les grecs nommaient l’HYBRIS (l’excès, la démesure) sont autant à l’ordre du jour qu’ils l’étaient il y a 2400 ans, quand Athènes, la démocratie impériale et Sparte, l’oligarchie totalitaire s’affrontaient.
En matière de tauromachie –on ne doit plus parler de lorgnette mais de loupe ou de microscope!- nous atteignons en ce moment des sommets de couillonnade qui pourraient être comiques si les lendemains ne pouvaient être funestes.
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Non content de se gargariser d’une inscription de la tauromachie sur la liste du patrimoine culturel immatériel français qui n’a strictement aucune portée ni utilité légale –même si la portée symbolique demeure forte- on se réjouit à grands abrazos d’une victoire qui non seulement n’en est pas une, mais fut le fruit d'un lobbying de bas étage, de menées administratives obscures et non d’une véritable démarche politique. Rien de moins glorieux et rien de plus critiquable pour les contempteurs -sur ce point avisés- de ce qu'on peut qualifier de mafia taurine.
Ce triomphalisme fallacieux, loin d’annoncer un progrès, peut constituer le germe de déconvenues futures.
Pourquoi?
C’est un fait que la tauromachie jouit en France d’un statut de TOLERANCE extrêmement précaire, qui pourrait être remis en cause par le revirement soudain de tel ou tel politicien démagogue. On en a vu d’autres…
La conséquence de cette situation s'incarne dans un statu quo fragile qu’il s’agît de perpétuer, et ce en dépit des changements de majorité. Lier son sort à un parti ou à une personnalité, c'est le lier à leur destin, changeant en démocratie.
Toute évolution remet en cause cet équilibre précaire.
Il ne me semble nullement indifférent de considérer que le renouveau du courant «zanti» que l’on connaît depuis les années 90 ait été la conséquence d’une politique de forte expansion taurine marquée par la multiplication des spectacles, par leur visibilité (importante médiatisation), et par l’expansion de leur aire (tentatives de «recoloniser taurinement» le bordelais ou la région toulousaine).
Ce faisant, rompant ce statu quo, on agitait la muleta devant les «zantis» qui eussent pu auparavant rêver paisiblement d'une extinction progressive de ces «barbaries» par dépérissement et mort naturelle.
A qui profitait cette politique d’expansion?
Objectivement, certainement pas à l’afición de verdad qui ne pouvait se satisfaire des spectacles commerciaux grands publics que ce mouvement a généré. C’est donc le mundillo, et qui plus est un mundillo français, qui a piloté un mouvement qui tendait, par une «extension du marché», à servir ses intérêts bien compris.
La crise actuelle compressant le dit marché, on ne plaisante plus dans les états majors taurins. L'heure est au branle-bas et à la mobilisation générale. Touche pas au grisbi!
Tout cela explique également que la «justification» de certains «pro-corridas» soit l’existence des «zantis» et vice-versa.
Personnellement (mais je ne crois pas être le seul), je tiens pour une tauromachie qui se limite et s’inscrive dans l’aire sociétale et culturelle où elle trouve véritablement son sens.
Si la tauromachie porte effectivement un message universel, son expression demeure irrémédiablement liée à un contexte et des problématiques culturelles très locales, ce qu’illustre d’ailleurs parfaitement sa répartition géographique.
Il ne me semble ni utile, ni habile, ni pertinent, d’aller provoquer non seulement les «zantis», mais aussi l’opinion par des rodomontades sans nécessités ni conséquences, telles que le patrimoine culturel.
Il en va de même du triomphalisme qui l’accompagne.
Pour le coup, on n’y va pas avec le dos de la cuillère.
Même la «vieille dame» (la Fédération des Sociétés Taurines) entonne son couplet (http://www.torofstf.com/infos2011/110529manif_anti_patis.html), sans compter le traditionnel communiqué du plénum de l’O.N.C.T. diffusé par l’agence TASS, Tauromachy Agency Special Service (http://www.torofstf.com/infos2011/com_onct_28mai.pdf) qui manie la langue de bois et la désinformation avec l’art consommé qu’on lui connaît.
On en savourera les morcifs de choix:
Une «décision saluée par l’ensemble du monde taurin» (ne l’ayant pas saluée, je dois être exclu de ce «monde taurin», «mundillo» en castillan, si je ne me trompe…).
Une décision prenant en compte de manière «scientifique» (sic!!!) la dimension culturelle de la corrida. Science et culture, quel splendide oxymore!
La fiche d’inventaire (http://www.terrestaurines.com/forum/actus/ficheinventaire.pdf) n’est qu’un long plaidoyer subjectif et bien peu … scientifique.
Un petit coup de pub pour Madame la Présidente de L’U.V.T.F suivi d’un grand coup de cirage de pompes présidentielles (attention aux talonnettes!) précèdent une analyse dont la profondeur abyssale ne peut que stupéfier.
Nos stratèges autoproclamés nous mènent à la bataille sur la base d’un constat d’un optimisme psychédélique.
Y zont dû fumer la moquette à l’O.N.C.T.! Tirer la conclusion que les français ne s’opposent pas à la tauromachie, à partir de l’insignifiance de la manif de quelques excités, c’est s'adonner à l'ecstazy conjecturale.
Il a dû échapper à ces grands esprits que les dits français pour avoir d’autres préoccupations à peine plus prégnantes (les fins de mois, le chômage, la crise, le résultat de l’Eurovision, l’avenir de DSK, etc.) n’approuvaient pas pour autant la tauromachie.
Une faute d’analyse qui peut s’avérer fatale à terme: il n’est jamais bon de minimiser le péril et le risque (comme de le surévaluer d’ailleurs !).
Le pompon reste à venir avec des chiffres de fréquentation qui s’apparentent aux statistiques du plan dans l’URSS des années Staline.
La supercherie qui consiste à confondre les entrées avec les aficionados, en ignorant que pour une grande partie, par le jeu des abonos, la même personne assiste à plusieurs spectacles rend la ficelle un tantinet mahousse et déconsidère le discours auprès de tout lecteur averti.
Mais peut-être que les avertis (qui en valent deux) importent moins à l’ONCT que les gogos qui gobent tout avec jubilation.
Et de conclure le syllogisme faux sur la conclusion extraordinaire que les français ne s’étant pas ralliés aux «zantis» sont de fervents supporters de la tauromachie qui s’ignorent.
Du grand art vous dis-je!
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Ces clochemerlades pourraient prêter à sourire si par ailleurs on ne se préoccupait d’élever des statues dédicacées «au grand homme, la tauromachie reconnaissante».
Décidément le lustrage pompassier sévit.
Dans un chef d’œuvre de désinformation et de flagornerie (http://www.sudouest.fr/2011/05/29/viard-le-maitre-es-toros-411696-727.php), auquel l'auteur de chroniques généralement sérieuses ne nous a pas habitué, Christian Seguin tisse un panégyrique du petit gris de l’Observatore Taurino, dans des égarements lyrico-épiques qui laissent pantois.
Sans doute Vieux Bouc(au) aura t-il passionné Monsieur Seguin le faisant devenir chèvre, ou bien bouquine t-il trop Terres Taurines...
Mais où a t-il été chercher tout cela?
On se gondolerait pis qu’à Venise, si le vieil adage «Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose!» ne venait nous titiller l’esprit critique.
Qu’il suffise d’en citer un morceau d’anthologie: «Un solitaire, non carriériste, doué pour l'expression écrite et orale, le rugby, la boxe et la peinture, porté par des visions prémonitoires, qui se donne entier à sa communauté.»! (il a oublié la maîtrise en droit le sot).
Et notre rombier de conclure avec superbe: «Les jalousies qui s'appliquent à sa personne, mondialement respectée, ne peuvent le nier. André Viard est un ensemble irréfutable.».
L’inénarrable devenu irréfutable. Ô putaingue, on progresse!
Il l'aura bien gagné son abonnement gratuit à TT le Seguin, plus un portrait en pied dédicacé de Son Ensemble Irréfutable.
Il l'aura bien gagné son abonnement gratuit à TT le Seguin, plus un portrait en pied dédicacé de Son Ensemble Irréfutable.
Voilà qui m’en inspire une dernière pour la route: «Sic transit gloriam».
Xavier KLEIN
4 commentaires:
Il me semble qu'évidemment ce qui faisait en France, la force de la corrida était son confinement, après avoir disparu de grandes villes pour se conforter dans des villes moyennes, petites ou villages. C'est également ce qui lui donne la dimension de "tradition" habilement exploitée. Ceux qui ont la curiosité de s'intéresser au "patrimoine" ont pu apprécier les règles du jeu, "démontrer une tradition" et la portée.
Ceci ressemble ausi à une provocation, car faire de la corrida un débat national et politique est non seulement un non sens, mais une provocation inutile car 90 pour cent des français au moins se tapent totalement de la corrida. Provocation stupide et besoin forcené de "protection" comme si la chose ne pouvait plus se défendre. L'énorme différence entre la France et l'Espagne est qu'en France la corrida est confinée dans une certaine partie du Sud et non sur tout le territoire. C'est sa force même si on cherche à tout prix à élargir son audience.
plus spectaculaires les cris d'orfraies de nos nouveaux éthiques. à mourir de rire!
Enfin, Seguin est certainement l'une des plus belles plumes de Sud Ouest, sinon la plus belle, en tous cas la plus talentueuse.
il a aussi oublié de signaler que Viard était aussi journaliste. Pour le reste, no comment, du Sud Ouest.
De retour des ferias de Rennes, Pointe du Raz, Plougastel, Chateaulin, Dinard, Trégunc, grâce à ton talent doublé d'humour vivifiant par ces temps de grisaille mundillesque, quel bonheur de savoir qu'on est jamais seul à réprimer des hauts le coeur devant ce magma de connerie débité par les "représentants de l'ensemble du monde taurin", à savoir la mafia qui prêche pour la toute petite paroisse des profiteurs et magouilleurs en tout genre.
Et qui sape de manière irréfutable, celle-là, les fondements de plus en plus fragiles de la corrida de TOROS.
Merci pour cette embestida encastada, cher Javier, en phase totale avec "los de verdad", et je confirme: dans les contrées lointaines où elle est parfois tolérée, la pseudo corrida sottement médiatisée pour faire du fric ou-et de l'audimat, dégénère de manière irréfutable et insupportable, à tel point qu'elle ne recueille que très très peu d'avis favorables.
Et comme on les comprend!
On troque le tablao contre le festnoz? Les encinas pour Brocéliande? L'Alhambra pour Locronan?
Gourc'hemennoù Per!
ils ont pas de corrida à Plougastel? Dédé va envoyer une plaza pliante!
heureux de te revoir pedrito, tu nous manquais!
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