Humeurs taurines et éclectiques

lundi 30 mars 2009

AVIS 2

D'aucuns se sont émus, d'une baisse d'intensité de l'activité de "La Brega" ces derniers temps.
Une baisse qui malheureusement (ou heureusement pour certains...) ne manquera pas de perdurer.
En effet, mes collègues du Conseil Municipal d'Orthez ont cru bon, en dépit des graves carences psychiatriques que certains experts psychotaurinologues ont décelé, de me bombarder à de nouvelles fonctions, qui consomment beaucoup de mon temps et de mon énergie.
Certes pour beaucoup de bofs, la politique "- C'est de la merde", et les politiques "sont tous pourris", mais il faut bien qu'il y en ait pour plonger les mains dans le cambouis et régler, sinon au mieux, du moins au moins pire, les menus embarras de nos contemporains.
A l'usage, je remarque d'ailleurs que ce sont souvent les mêmes, à qui l'on a eu l'outrecuidance de refuser quelque passe-droit qu'ils convoitaient, qui se répandent dans ces considérations de haute philosophie de comptoir.
"La Brega" continuera donc d'être alimentée sur un rythme néanmoins plus pépère, par des articles plutôt consacrés au fond qu'à la forme, le suivi de l'actualité exigeant une réactivité que je ne suis pas en mesure de garantir.
Si certains veulent la meubler, il ne tient qu'à eux de me faire parvenir des contributions qui seront publiées.
Xavier KLEIN

SALIES


Salies-de-Béarn, la Venise béarnaise, capitale du sel avec lequel on traitait les jambons de Bayonne, ne dispose pas d'une plaza de toros, mais entretient néanmoins le feu d'une aficion fervente.
Samedi 4 avril, à partir de 17h, la Brûlerie de Salies-de-Béarn (place du Temple) organise une soirée dédiée à la Tauromachie.
Le poète Alain Rieman dédicacera notamment son livre "Tu sera toro mon fils", qui vient de paraître aux éditions Atlantica.
Jacques Sourp lira par la suite des extraits des poèmes de l'auteur. Pour l'occasion, l'établissement sera tapissé de toiles renvoyant au thème de la soirée alors que le choeur orthézien Los de Broussez sera chargé d'animer la soirée.
A 20h30, après le pot de l'amitié, l'aimable assistance sera invitée à se diriger vers le cinéma le Saleys pour une séance dédiée au Tango, avec projection d'un film suivie d'une démonstration.
Xavier KLEIN

mardi 24 mars 2009

HISTOIRES DE PALCOS 3

«La vie m'a appris qu'il y a deux choses dont on peut très bien se passer: la présidence et la prostate.»

Georges CLEMENCEAU

Dans les deux premiers articles (voir les libellés à droite), nous avions évoqué le cadre dans lequel s’exerce la présidence, son domaine de compétences, et la problématique générale de la fonction.
Il nous faudrait également nous demander quelles sont les diverses attentes, par rapport à cette présidence, des divers acteurs (professionnels, empresas, toreros, public).
Ce qui ressort immédiatement, c’est que ces attentes sont contradictoires. Contradictions entre les protagonistes, mais aussi contradictions dans le public, et même contradictions du public sur les diverses phases de la lidia d’un toro.
Ces contradictions stigmatisent les lignes de fractures qui diversifient le monde taurin et qui recouvrent les divergences d’intérêt, de valeurs, de codes, de point de vue.
Peut-être pourrait-on d’ores et déjà avancer, comme esquissé plus avant, que le statut et l’autorité des présidences reflète le statut plus général qu’une société confère à l’autorité.
On sait comment nous sommes passés d’une autorité de type paternel avant 68, à une autorité de type maternel. La présidence ne s’exprime donc plus dans la normativité et la régulation, mais dans l’intercession et le consensus.
Il n’est que de constater depuis longtemps la capitulation devant les exigences des toreros en matière de piques, et de plus en plus en matière de banderilles où la mode est aux tercios écourtés.
Le problème, c’est que les rapports de force se sont déséquilibrés. Les intérêts convergents des professionnels et des empresas (le succès) rencontrent désormais ceux d’une majorité du public pour qui la réussite doit être au rendez-vous. Combien de fois n’entend t-on pas: «L’important, c’est que les gens sortent contents.»?
Pardi! Ce public (je ne parle pas des aficionados) imprégné des spectacles télévisés où l’on ne rend compte que des meilleurs spectacles dans les plazas les plus renommées, celles où les figuras «font l’effort», en veut pour son argent. Quelle meilleure preuve de la réussite qu’une brassée d’oreilles pour ces toreros qui «ont bien travaillé»? Qui aurait le cœur de les en priver?
Ainsi pourrait-on définir la mission des présidences «modernes» -puisqu’il faut être moderne-: s’assurer que les gens sortent contents.
Dans la plupart des plazas françaises, les présidents sont choisis par l’organisation dans le vivier des aficionados «reconnus» et souvent dans le monde des peñas et des clubs. Il y a là non seulement une reconnaissance de la fonction culturelle de ces associations, mais également une reconnaissance plus politique puisque de facto, la dite association est ainsi valorisée. Il s’agit donc d’éviter de privilégier outrageusement un groupe par rapport aux autres ou au contraire de le gratifier. Dans moult ruedos, les années post-électorales deviennent alors l’opportunité d’un jubilatoire jeu de chaises musicales, d’un ballet des vanités où l’on vérifie les soutiens consentis et les allégeances dévoilées.
Ces choix ne vont pas sans conséquences. D’une part, ils impliquent, à tort ou à raison, le dit groupe, dans la réussite et le destin de la journée (ce qui est volontairement ou non une manière de le circonvenir), d’autre part ils investissent des pairs, et non des personnes affectivement extérieures au devenir du spectacle.
Dans une énorme majorité des cas, les présidences se sentent donc investies, non pas de la seule charge d’assumer leur office le plus sérieusement et objectivement possible, mais également d’une part de la responsabilité de la réussite du spectacle, et du prestige qui en découle pour la cité par extension.
Lourde charge!
Dans tous les cas, l’attribution d’une place au palco est extrêmement valorisante pour le sympathique candidat, qui bénéficie d’une reconnaissance publique de ses compétences, de ses connaissances ou de son autorité morale.
On apprend même au détour d’une conversation, que l’ascension présidentielle obéit à des règles sibyllines dans le cadre d’un véritable et subtil «cursus honorum». Ainsi fus-je étonné du refus de postulants d’assurer des présidences de novillada au motif qu’ayant été promus à la haute charge de présider des corridas, ils auraient dérogé en acceptant désormais des offices «mineurs». Sic transit gloriam!
Il est assez amusant de discuter avec les récipiendaires. En règle générale, à les entendre, ils monteraient au palco contraints et forcés, animés d’un dévouement altruiste, «juste pour rendre service», et parce qu’il n’y a personne d’autre de disponible. Un pis aller, un service rendu, un sacrifice pour le bien commun en quelque sorte. Pour un peu on les plaindrait presque…
Faut-il être dupe de cette échappatoire? Comme Diogène, cherchons avec notre lanterne, sans illusions, celui qui nous confiera enfin qu’il trouve dans cette «élection», la jouissance puissante d’un narcissisme assumé, ou en d’autres termes plus explicites celui qui reconnaîtra: «- Je monte au palco parce que ça me fait bander!». Mais la crudité du propos risque encore de traumatiser les âmes prudes et sensibles.
Le même discours d’une franche sincérité préside d’ordinaire aux troisièmes mi-temps, quand le résultat des courses s’est soldé par quelque bronca mal venue, ou par quelque excès dans la distribution d’appendices. Il commence souvent par « - Oui mais tu comprends…».
Or le problème, c’est que justement il est difficile de «comprendre» (et plus encore de justifier) que tel qui se fût probablement étranglé d’indignation sur les gradins, s’est montré d’une bonhomme complaisance une fois parvenu «aux affaires».
Ou alors ne comprend-on que trop bien que l’objectif inavoué n’est pas tant de «monter au palco» que de se prédisposer à y «remonter»; comme pour les hommes politiques l’objectif n’est pas tant d’être élu que d’être réélu, ce qui sous-entend quelques compromis moraux que la plupart de nos contemporains digère fort benoîtement.
Partant sur ces bases saines et vertueuses, on concevra dés lors que toutes les justifications s’imposent, tous les artifices de rhétoriques se cautionnent.
Combien de fois n’avons-nous entendu «qu’une oreille de trop n’avait jamais fait la carrière d’un torero». Une oreille de moins non plus sans doute, mais on ne considère jamais l’affaire dans ce sens là. Les broncas les plus tonitruantes interviennent de nos jours, à la suite d’un trophée qui n’a pas été accordé, rarement du fait d’une distribution excessive. De même, on supporte mal les sifflets ou les critiques là où les applaudissements ou les louanges n’ont rien que de très naturel.
Surfant sur cette complaisance, beaucoup de présidences, encouragées en cela par les professionnels et les empresas, font le choix gagnant-gagnant. Les uns décrochent la timballe au tirage et les autres au grattage. Qui en pâtit d’ailleurs sinon ces dernières qui déconsidèrent progressivement, à coup d’orifices, de musica et maintenant d’indultos, non seulement leur fonction, mais aussi la fiesta brava, grimée en mascarade grotesque?
Devons-nous pour autant nous désespérer où céder aux solutions faciles?
On en entend ci ou là qui plaident pour la «professionnalisation» de la fonction. C’est à dire ce mal bien français de créer des élites qui deviennent à la longue des castes inamovibles et cooptées.
En cela, comme en d’autres matières, peut-être serait-il temps de renouer avec un minimum de bon sens et surtout de vertu, de ne plus capituler devant l’inéluctabilité programmée de l’ordre «naturel» des choses.
Que doit-on attendre d’une présidence?
En premier lieu incontournable, la compétence technique, c’est à dire un savoir théorique, une connaissance du règlement couplés à l’expérience approfondie de la res taurina dans sa diversité, fruit d’une fréquentation éclairée du campo et des ruedos.
En second lieu, cette qualité si rare qu’on nomme autorité, cette intelligence des hommes et des situations mariée au charisme.
En troisième lieu, la probité qui engendre la confiance et la reconnaissance. Probité morale, il va de soi, mais surtout probité intellectuelle.
En dernier lieu, le tempérament et le courage qui autorisent de faire ce que l’on doit, quelles qu’en soient les répercussions.
On voit à ces exigences qu’on trouvera difficilement les êtres exceptionnels qui les satisfassent, surtout si l’on n’entretient pas le souci de les rechercher…
Si l’on attend d’une présidence il faut parallèlement attendre aussi des autres protagonistes de la corrida.
Le public tout d’abord qui devra accepter et se plier aux décisions (accepter ne signifiant pas adhérer), comme le citoyen se doit de se plier à la loi et aux juges.
Les commentateurs enfin, qui doivent s’abstenir, à l'endroit des palcos qui leur déplaient, de ces critiques dévastatrices et démagogiques qui font l’économie de la pensée pour ne céder qu’à l’émotion vendeuse.
Mieux vaut une autorité humaine et donc faillible qu’une autorité ruinée et donc inopérante, qui laisse béante la boite de Pandore de l’anarchie et de la démesure.

Xavier KLEIN

dimanche 15 mars 2009

FAUT-IL BRULER VAL?

«Qui critique les autres travaille à son propre amendement.»
Arthur Schopenhauer, «Aphorismes sur la sagesse dans la vie»

Que faut-il penser de la charge féroce, stupide et outrancière de Monsieur VAL sur France Inter?
Il faut méconnaitre le bonhomme pour s'en étonner. Quand Philippe VAL se préoccupe de s'engager dans une cause, il ne donne pas dans la dentelle, mais oeuvre plutôt au canon de 75.
Ce qui est plus étonnant, c'est qu'on s'émeuve soudain de propos récurrents, alors que l'on ait pu rire grassement par le passé, de ce qu'il a abondamment balancé dans le même style à d'autres cibles (église, islamisme, etc.).
Tant qu'on n'était ni curé, ni barbu, ni amerloque c'était amusant, quand on se trouve concerné, cela devient insupportable.
Faut-il préciser qu'il n'est pas le seul à Charlie Hebdo à vitupérer contre la corrida? Cavanna ou Choron se sont largement exprimés à de multiples reprises sur le thème, et dans des termes équivalents.
Je n'ai jamais été un lecteur assidu de Charlie Hebdo. Tant le fond que la forme m'ont souvent fait sourire, parfois froissé. Mais jamais il ne me viendrait à l'idée que cette expression là puisse faire l'objet d'une censure.
Le problème n'est pas que Philippe VAL s'exprime, y compris violemment sur le sujet de la corrida. Comme journaliste, chansonnier et échotier il en a la prérogative imprescriptible, et la liberté de la presse doit rester un droit sacré et inviolable, y compris si ce qu'il dit ne nous plait pas.
Peut-être faudrait-il s'inquiéter au contraire de l'inflation des censeurs qui s'offusquent de toute parole qui ne leur revient pas?
Le problème c'est que cette parole, qui a le droit d'exister, ait été prononcée sur une antenne de service public, sans contradiction possible.
Quand on lit Charlie Hebdo, on sait à quoi on s'expose. On reste libre ou non d'acheter un journal dont on connait les orientations. Ce n'est nullement le cas pour France Inter où pas mal de gens ont été surpris de cette saillie matinale. Par ailleurs, nulle autre parole n'est venue contredire, tempérer, remettre en cause ou en perspective ce que venait d'asséner VAL, et c'est cela même qui vient limiter et équilibrer la nécessaire liberté d'expression, et le droit sacré du journaliste.
S'il faut s'offusquer de quelque chose, c'est de l'absence d'un droit de réponse, et en cela, ce n'est pas VAL qui est en cause, mais France Inter.
Qu'on se rassure, je ne boycotterai pas France Inter, je continuerai obstinément à écouter cette radio de grande qualité, je persisterai à entendre le billet d'humeur de Val, surtout parce qu'il vient bousculer sauvagement mes certitudes et me confronter à l'inconfort ou à l'indignation, à solliciter opiniâtrement cette vertu menacée: la tolérance. Non pas la tolérance molle d'une passivité ou d'une indifférence à l'autre, mais l'acceptation douloureuse et difficile de ce qui nous gène.
Philippe VAL n'est pas le seul, loin s'en faut, à s'engager dans le combat anti-taurin. Michel ROCARD, le chanteur RENAUD ou Philippe GLOAGUEN, directeur du Guide du Routard se font une gloire de leur activisme. On peut bien évidemment multiplier les procès, voire même les boycotts, ce qui semble à la mode, mais ce genre de batailles n'est jamais gagnée devant les tribunaux. Les idées se combattent avec des idées et des arguments, en s'appuyant sur des positions tenables. Durant l'affaire Dreyfus, Zola a perdu ses procès mais a remporté la bataille politique.
De ce point de vue, il convient de s'appuyer, non pas sur des vérités révélées, ou se bercer de douces illusions, confortées par le soutien rassurant mais illusoire de ceux qui sont d'accord avec vous, mais au contraire de s'ouvrir à ce que vous dit le contradicteur. Ce qu'il dit qui nous est insupportable, mais aussi ce qu'en disent ceux qui n'ayant pas encore choisi, entendent, jugent et se prononcent.
Quand les anti-corrida sont venus manifester à Dax durant la feria, je suis aller discuter avec eux, et notamment avec Monsieur HELY, leur porte parole.
Il n'était nullement question de ma part de polémiquer, de les convaincre ou même de les faire douter.
Simplement de juger par moi-même, sans le filtre déformant de ceux qui d'ordinaire rapportent, plus ou moins honnêtement ou caricaturalement, leurs propos.
Simplement de les écouter et de les entendre.
Simplement de voir ce qui fondait leur argumentation et justifiait un tel engagement de leur part.
J'ai conversé pendant ¾ d'heures, fort courtoisement d'ailleurs, avec Monsieur HELY. Il y avait chez lui quelque chose qui tenait du prédicateur ou du missionnaire qui ne désespèrerait jamais d'une conversion possible de son protagoniste. Ces gens là échappent au rationnel, ils sont dans une mystique, ils font croisade et sont prêts au martyre ou à toutes les extrémités, y compris celle de se dénuder en public.
Ce qui est frappant, c'est le discours rodé et formaté, qui a prévu toutes les objections et qui use de toutes les ressources de la rhétorique, de toutes les ficelles de la propagande ou de la désinformation pour s'imposer.
En fin de compte, à bout d'arguments, ce qui émerge, c'est un recours systématique aux affects et à l'émotionnel au détriment de la pensée. On en termine toujours avec cette interrogation sybiline: "Mais vous n'éprouvez donc point de compassion?". Une question morale sur un concept d'origine religieuse.
Et c'est une conclusion logique dans la mesure où tout leur système est érigé sur des postulats moraux, c'est à dire sur des convictions. On n'est plus alors confronté à un raisonnement mais à des croyances, on est dans la religion, pas dans la raison.
Que les anti-corridas soient entrés en religion pourquoi pas, c'est leur droit et leur affaire, à condition que cette religion dise son nom et s'identifie en tant que telle, pas qu'elle avance masquée, auquel cas on doit parler de secte.
Il semble donc vain de songer convaincre ou même faire douter des gens portés par une foi. En revanche, il faut trouver les idées et les mots qui portent sur un grand public, auquel, un jour ou l'autre, on demandera de se prononcer.
Cette bataille des idées sera remportée par les plus convaincants et par les plus crédibles.
Les tauromaches présentent-ils cette image?
On peut en douter au vu de la «contamination» anti-taurine que l'on constate dans l'évolution de la tauromachie et à travers les débats en cours.
La référence incessante à une justification par l'esthétique, la contestation de la sauvagerie, l'affadissement des toros, les tentations «d'adoucissement» du tercio de piques, ne constituent-ils pas un engagement sur une pente dangereuse, vers ce que d'aucuns évoquent déjà: la suppression désormais virtuellement possible des deux premier tercios et de la mise à mort que la mutation des toros actuels permet d'ores et déjà d'envisager?
L'aficionado moderne aurait-il la passion honteuse? Doit-il donner des gages de sa civilité pour espérer survivre?
La dialectique mobilisée par les avocats de la cause taurine, en France comme en Espagne, s'apparente souvent à une auto justification laborieuse et défensive. Il faut le dire, c'est une option suicidaire à terme. En Catalogne, l'initiative et l'offensive appartiennent aux abolitionnistes et les aficionados s'en remettent à des compromis politiques sans se manifester positivement et vigoureusement. En France, on était quasiment résolu à des concessions sur l'accès des mineurs aux arènes pour éteindre l'incendie.
Notre crédibilité sera déterminante et il faudrait en finir avec les dénis de réalité et les langues de bois qui infirment et pervertissent complètement notre discours.
Oui le toro souffre sous la pique! Et alors!
Essayer de persuader un quidam néophyte du contraire, en dépit des artifices argumentatifs constitue une gageure et une illusion. Il nous faut assumer cette souffrance là et lui donner un sens au lieu de la nier.
L'important pour l'aficionado n'est pas de s'en repaître, mais d'observer ce que le toro en fait (la bravoure), et en quoi elle concerne l'Homme.
C'est en assumant ce que nous sommes (le bon et le mauvais, si tant est que bon ou mauvais signifient quelque chose...), les valeurs culturelles portées par la corrida, ce en quoi nous croyons, ce que nous aimons et que nous n'avons en rien à justifier, que nous serons écoutés et respectés, pas en négociant des capitulations successives, ou en nous adaptant aux valeurs des autres.
On peut croire à l'idéal humaniste, vouloir une Europe unifiée, un monde apaisé et ne rien vouloir concéder à l'uniformité et à la standardisation des cultures et des idées. C'est là le rêve des marchands, pas celui des philosophes.
Assumons et affirmons fièrement notre différence, elle est richesse.
Xavier KLEIN

mercredi 11 mars 2009

REFOULEMENT ou DEFOULEMENT?

Quand on porte des coups, il faut s'attendre à en recevoir. C'est justice!
Mais il y a coups et coups!
Il y a le direct noble et l'uppercut vicieux.
Pire, il y a les coups bas en dessous de la ceinture...
Le noble art ne faisant plus flores, chacun appréciera à sa manière les derniers éclats de l'ex demi finaliste aux championnats de France universitaires à Nîmes, poids léger.
Ils me laissent perplexe et amusé.
Inquiet aussi, de voir se comporter ainsi le président de l'O.C.T.
Perplexe et amusé de constater chez quelqu'un que je pensais fin et intelligent un tel déballage haineux, outrancier et mensonger de contre-vérités, de citations tronquées, d'allusions fielleuses, de propos dénaturés.
Mais on en a malheureusement l'habitude et en matière de poujadisme Dédé est un orfèvre, qui parle d'or.
On se croirait aux plus belles heures de Gringoire ou de "Je suis partout".
Il ne manquait plus que le qualificatif de sale youpin, que des amis à lui ont cru aimable de me jeter, il y a 30 ans.
Et encore n'ai-je pas réussi à tout comprendre dans un galimatias marqué par la fureur et la démesure.
Tout ce que j'ai pu saisir clairement, c'est qu'on y convoquait les morts, ce qui reste toujours méprisable.
S'il fallait une réponse elle aurait précédé l'attaque, c'est l'article "MODERNITE" que j'avais mis en ligne quelques heures auparavant.
On y argumente, on n'y insulte pas.
On y cite, on n'y colporte pas.
On n'y trouve ni mise au pilori, ni condamnation, ni injures, ni dévalorisation de l'opinion adverse.
C'est sans doute ce qui est insupportable.
L'invective supplée souvent au déficit de la réflexion et du raisonnement.
Lisez, comparez, jugez par vous même!
Xavier KLEIN

mardi 10 mars 2009

MODERNITE?

«La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable.»
Charles BAUDELAIRE, "Le peintre de la vie moderne"


Dans un dernier éditorial (EQUIDISTANCE, http://www.terrestaurines.com/forum/actus/01-03-09/10-03-092.php), André VIARD évoque l’évolution de la corrida.
Le ton de l’article étant mesuré, il me paraît utile d’y répondre en argumentant posément plutôt que sur le ton de la polémique stérile et passionnée.
Il introduit dans son raisonnement et notamment dans ses présupposés de départ des expressions comme «l’évolution naturelle» («[…] un fossé semble se creuser entre la grande majorité du public qui se laisse porter par l'évolution naturelle du spectacle, et une minorité qui entend la nier.»)
Je qualifie régulièrement ce genre de considérations, sans consonnance péjorative, de lieu commun.
En effet, nous tendons tous, et pas seulement André VIARD, à user et à nous fonder sur des considérations dont nous pensons qu’elles sont d’une part vraies a priori, et d’autre part qu’elles sont communément admises. Nous tenons pour des faits ce qui ne procède que des croyances.
Ce faisant, et partant sur des bases que nous croyons absolues alors qu’elles ne sont que relatives voire à l’occasion erronées, nous induisons des conclusions qui le sont tout autant.
Ainsi je réfute catégoriquement cette notion d’évolution naturelle: aucune évolution ne saurait être naturelle dans ce domaine, elle est issue d’une volonté conjuguée du mundillo et de la presse.
D’ailleurs et très paradoxalement, André VIARD le confirme dans la suite de l’article: «Le Juli, bien sûr, est sur la piste, car contrairement encore à ce que l'on pourrait penser, en véritable patron, et ainsi que le fit Joselito à son époque, c'est lui qui oriente les choix dans bien des ganaderias.».
Mais reprenons les différentes étapes d’un article explicitement révélateur d’un certain courant (majoritaire) de la tauromachie et de l’analyse qu’on peut en faire.
Peut-être cela portera t-il André VIARD, non pas à renoncer à des options parfaitement respectables, mais à prendre en compte, sans les dénaturer ou les caricaturer, d’autres visions tout aussi respectables et valides, et surtout à entrer dans un vrai débat riche et productif plutôt que dans un vain affrontement.
«[…] une discussion passionnée s'est engagée entre plusieurs ganaderos sur le sens qu'il faut donner à la notion de caste et sur l'évolution qu'il faut rechercher si l'on veut, quand on l'élève, doter son toro des qualités exigées par la tauromachie moderne.». Faut-il rechercher une évolution, cher André? Et pour le coup, pourquoi ne pas laisser cette évolution se produire d’elle-même au lieu de vouloir à tout prix la rechercher, ce qui entre nous n’a rien d’une «évolution naturelle»?
En outre, et voilà où se situe l’un des nœuds du problème: pourquoi vouloir à tout prix créer l’uniformité d’une "tauromachie moderne" unique et péremptoire. Pourquoi ne pas admettre des expressions diverses, comme elles existent dans tous les courants artistiques ou culturels. Dali, Picasso, Chagall, Mondrian ou Warhol étaient contemporains, s’opposaient-ils tout en étant complètement différents dans leurs styles et leurs messages?
Enfin, je ne me souviens pas d'avoir jamais entendu "la tauromachie moderne" s'exprimer à ce sujet et exiger quelque qualité que ce soit. Par contre, les promoteurs de ce concept artificiel sont très volubiles.
«[…]on ne construit pas un élevage sur des "qualités" telles que l'innocence, la docilité ou l'imbécilité... du toro s'entend. Car le toreo moderne, avec ses exigences de continuité et de longue durée des faenas, impose au toro un effort qu'on ne lui demanda jamais tout au long de l'histoire.». Toute éleveur de toros sérieux, à ce que je sache, mais je dois reconnaître que je n’en connais pas autant, ni de si renommés qu’André VIARD, sélectionne son bétail sur des qualités escomptées: caractéristiques physiques (morphotype, mais aussi puissance, endurance, etc.), caractéristiques morales (bravoure, noblesse, caste, etc.).
Dans cet extrait, André VIARD mélange des qualités morales (l'innocence, la docilité ou l'imbécillité) et une exigence physique (fournir un effort prolongé qu'on ne lui demanda jamais tout au long de l'histoire dans le cadre d’une longue durée de faena). Personne ne s’oppose, à ma connaissance, à ce que certains éleveurs (l’immense majorité) travaillent dans ce sens et produisent ce type de toros. C’est leur affaire et celle du public qui ira voir leurs toros. En revanche, cela n’est nullement incompatible avec le fait que d’autres éleveurs explorent des pistes différentes, avec des critères différents, pour un public qui a d’autres attentes. Pourquoi vouloir à tout prix privilégier la norme d'UNE tauromachie moderne, au détriment de plusieurs modes de tauromachies diverses?
«[…] Contrairement à l'idée répandue, l'émergence du toreo a précédé et suscité la réelle bravoure, laquelle n'est autre que la quintessence de la sauvagerie originelle du toro.» La définition de la bravoure qu'introduit André VIARD lui appartient et correspond pleinement à l’argumentaire justificatif du toreo moderne, tel qu’il répond aux critiques qui lui sont formulées par ses détracteurs, et notamment l’affadissement.
En ce qui me concerne, je dissocie la bravoure qui est une notion de comportement, de la sauvagerie qui est une notion de caractère. Si l’on considère que la bravoure recouvre l’instinct offensif du toro, la sauvagerie représente un caractère plus général qui tient plutôt à sa manifestation plus ou moins violente et ordonnée. Les légionnaires de César étaient braves, disciplinés et ordonnés, les gaulois de Vercingétorix étaient braves, anarchiques et sauvages… Dans les deux cas la bravoure était indiscutable mais le résultat ne fut pas identique.
En fait, André VIARD, dans son désir éperdu de modernité procède à cette redéfinition terminologique et cette confusion contemporaine entre bravoure et noblesse, ce qui transparaît nettement dans son analyse historique. Ce qui bascule avec Belmonte et Joselito, c’est la valorisation de la noblesse par rapport à la bravoure, qui constituait le critère fondamental d’une tauromachie marquée jusque là par la prédominance du premier tercio.
Cette confusion est-elle innocente? On peut se le demander, et se questionner sur un argumentaire défensif qui se trouve confronté à un déni, celui de l’affadissement des toros modernes.
André VIARD fait souvent preuve d’une candeur désarmante en se livrant ingénument dans des mots qui ne trompent pas. «[…] un fossé semble se creuser entre la grande majorité du public qui se laisse porter par l'évolution naturelle du spectacle, et une minorité qui entend la nier. Ce qui est peine perdue d'avance, non sous l'effet d'une quelconque conspiration, mais tout simplement parce que la société évolue et que prétendre aller à son encontre ne mènerait à rien.». La grande majorité du public qui «se laisse porter»… Quel aveu! «Une minorité qui entend la nier» Quelle contre-vérité!
Non Monsieur André, personne ne la nie cette évolution. Ce qui est nié c’est sa «naturalité» (comme nous l’avons vu plus haut), son inéluctabilité (il n’y a pas d’autres options), et sa systématicité (doit-elle s’appliquer à la tauromachie dans sa globalité?).
André VIARD témoigne d’une vision linéaire et résignée de l’histoire. Une notion très en mode quand il était en culottes courtes, mais bien remise en cause depuis.
Or l’histoire n’est surtout pas une progression logique, régulière et continue vers un avenir meilleur. Au mieux, l’histoire est une succession de cycles, marqués par des ruptures, des déviations, des régressions. Dans les années 60, la prospérité des «30 glorieuses», la croyance au progrès technique et social laissaient-elles prévoir mai 68, la mondialisation ou la régression actuelle?
De même sa vision est résignée: on ne pourrait changer le destin ni une prétendue logique, là aussi naturelle, des évènements et de l'évolution. Avec André VIARD, il n’y aurait eu ni Révolution Française, ni Front Populaire, ni avancées sociales, c’est à dire des phases de refus de «l’évolution naturelle».
Enfin, qui parle de conspiration? Toutes les cartes sont sur la table, il suffit de décrypter le jeu de chacun. Et ce jeu est évident puisqu'il recouvre la convergence des intérêts, financiers entre autres, des divers protagonistes.
André VIARD préconise d’«influer dans la mesure du possible sur les choix qui se feront afin de contenir l'évolution dans les limites du raisonnable.». C’est à dire qu’il se résout à des choix faits par d’autres. On peut disposer de la faiblesse de croire que d’autres choix sont possibles et mobilisables.
On a le choix de se rendre à Pampelune ou Bilbao plutôt qu’à Séville, de privilégier Vic, Céret ou Parentis à Dax ou Nîmes. On a aussi le choix de ne pas vouloir choisir et de tout voir (c'est mon cas). Mais quel choix André VIARD soutient-il de facto, car lui aussi fait des choix? Qui et quoi valorise t-il? Qui et quoi critique t-il?
Ce n’est pas la seule illusion qu’André semble entretenir. Si l’on tient pour assuré que les gens en général, et les toreros en particulier, n’agissent pas innocemment et ne se résument pas à de purs esprits altruistes et désintéressés, mais comme tout un chacun voient d’abord leur intérêt bien compris, on ne peut que sourire en lisant: «[…] le risque est plus grand chaque jour de voir le toro réduit à l'état de comparse et le spectacle dévalué. Ce qui n'est le souhait de personne, et surtout pas des figuras qui tiennent le haut du pavé».
Comme vous et moi, la pente du genre humain –et les toreros n’échappent pas à la règle- est de réaliser, chacun dans son industrie, le plus de profits avec le minimum de risques. C’est humain et c’est recevable. Il n’y a que José Tomas pour l’assumer pleinement en limitant drastiquement le nombre de ses contrats, en contrepartie d’un engagement maximal et… d’une rétribution maximale également.
Quand l’on assure 80 contrats ou plus dans la saison, il ne s’agit plus uniquement de briller, il faut gérer, ménager et durer, tout accident entraînant des répercussions financières.
On assure donc l’extraordinaire sur quelques rares évènements clefs, puis on limite les risques sur «l’ordinaire» et le tout venant. On se remue à Madrid, Séville ou Valence, on se ménage à Logroño, Santander ou Alicante. Et pour ce faire, mieux vaut lidier des collaborateurs compréhensifs que des opposants intraitables. Tout le monde comprendra cela.
Ce dont nous parle André VIARD ne vaut que pour des situations exceptionnelles dans le cadre de stratégies programmées.
Qu’on se rassure, Morante ne prendra des Victorinos qu’à Séville, pour le reste…
Que demande t-on à un toro de combat? C’est là toute la problématique dont découle toutes les autres. Et l’on ne saurait y répondre par l’argument d’autorité, celui du nombre ou celui d’une détermination historique. La première réponse me paraît être de nature éthique: qu’est-ce qui peut justifier aujourd’hui la corrida?
En fait, tout est question de curseur. Où place t-on subjectivement le point d’équilibre? André VIARD répond: «dans quelques ganaderias […] celle du Marquis de Domecq bien sûr, […] mais aussi Torrealta (et donc Palha), Martelilla, Bañuelos, Nuñez del Cuvillo, Santiago Domecq... Mais aussi Santafé Marton et donc Camino de Santiago.»
Chacun de nous n’aurait sans doute pas cité les mêmes…
Sans «passer au campo une grande partie de l'année», sans «fréquenter assidûment un grand nombre de ganaderias très différentes les unes des autres», sans «bénéficier suffisamment de la confiance de ces ganaderos pour qu'ils évitent de me servir le discours convenu réservé à tant d'autres», sommes-nous pour autant moins…modernes?

Xavier KLEIN

lundi 9 mars 2009

FERNANDO SOLO… SOLO FERNANDO

Pour changer un peu, une reseña à ma manière, c’est à dire impressionniste.
Les sympathiques membres de la Peña Joseph Peyré avaient enfilés le smoking pour célébrer la journée qu’ils avaient organisés hier 8 mars, à Arzacq.
Les choses avaient été soigneusement préparées et il faut louer ces efforts et ces espoirs que l’aficion porte sur le sable. Surtout quand ils sont récompensés par un après-midi des plus agréables.
L’exercice était difficile: comment concilier les rêves et la réalité économique d’une placita de 1200 places, qui, même comble, ce qui était le cas, n’autorise pas les plateaux de luxe?
Pierre-Marie Meynadier (origine Domecq-Nuñez) avait expédié en colis recommandé sans accusé de réception 4 novillos (dixit le ganadero) de très honnête présentation, que certains commentateurs ont vu toros.
Un excellentissime premier toro «moderne» (entrée fracassante à tous points de vue, mort instantanée sur une «estocade de burladero») et un échantillon représentatif de toutes les possibilités offertes par la mala casta constituaient l’aspect moral d’un lot dont il faut souligner la bonne forme physique et les charges souvent violentes.
Suivaient 2 sucres d’orges de la ganaderia Pages-Mailhan (origine Santa Coloma-Palardé), de format beaucoup plus réduit, pour les deux jeunots locaux.
Si certains y trouvent motif à frustration, en ce qui me concerne, je me satisfait toujours de ces toros compliqués qui permettent d’évaluer l’aptitude des toreros à résoudre les problèmes posés.
Malheureusement, si tout le monde peut composer la figure, peu savent réellement l’art de la lidia.
A Arzacq, cette évidence s’imposa de manière éclatante.
Passons rapidement sur la fadeur de Francisco MARCO, mal servi il est vrai par un OVNI (objet vivant non identifié) des frères Bats.
Passons un peu moins vite sur l’inconsistance d’Antonio Joao Ferreira, préoccupé de vaincre avant que d’avoir combattu, et qui se sentit obligé de nous infliger un de ces tercios de banderilles parfaitement inapproprié avec un toro qui ne s’y prêtait nullement.
A ce propos, premier avis pour dénoncer cette tendance pénible des toreros-banderilleros modernes à se faire placer péniblement la bestiole par le petit personnel. Il me paraît qu’un caballero qui décide de banderiller doit être seul en piste, placer son toro ou le prendre où il est, en adaptant la suerte à la circonstance.
Au lieu de quoi, on assista à une pléthore de capotazos inutiles voire néfastes et toujours laborieux.
Passons plus lentement encore sur la prestation très inquiétante de Julien Lescarret, qui n’a trouvé ni le rythme, ni la distance, ni surtout l’aguante propres à s’imposer devant un toro de sentido (et même de genio). Les qualités humaines ne sauraient pallier l’insuffisance des qualités taurines. Ce garçon, tout de gentillesse et d’intelligence, sous la pression et la peur, abdique les ressources de l’analyse et se prend d’une fébrilité antinomique à sa fonction.
Rien n’est perdu sans doute, mais il lui faudrait adopter la voie d’un travail redoublé tant technique que moral pour espérer survivre dans les ruedos. Au lieu de quoi, les faux amis l’encensent, le rassurent et le trompent, et ce ne sont pas les trophées de complaisance qui le porteront à se questionner. L’illustration parfaite fût sans doute ce toro d’Hoyo de la Gitana, à coté duquel il passa complètement pendant la feria de Dax, tout en en étant récompensé.
Avec un toro qui aurait demandé calme, sang-froid et impavidité, il fût électrique, approximatif et vibrionnant.
Puis vint Fernando Cruz.
photo Laurent LARRIEU
Quand je vois Fernando, je…
Et il y a de quoi.
Avec sa modestie et sa retenue, Fernando a remis les pendules à l'heure et les points sur les "i". Son toro n’était pas meilleur que les autres, mais si les autres se sont attachés à faire des passes, Fernando, seul a lidié. Et de quelle manière somptueuse quant à son sens du rythme, de la distance, du placement.
Quand d’autres accueillent par véroniques (avec pasito atras systématique, une nouvelle mode), Fernando entame le travail de soutier adapté à la mansedumbre en reculant capote déployé et en apprenant au toro le plaisir qu’il peut trouver à s’y engager.
Quand d’autres veulent forcer le toro à se plier à une faena préconçue, Fernando se rend disponible, écoute, entend, s’adapte et joue juste.
Son toro n’avait que 12 passes dans le ventre, il lui en a tiré 15, créant ce qui n’existait pas, exprimant une substantifique moelle improbable.
15 passes, mais des vraies passes, allurées, pesantes, efficaces. De celles qui laissent un toro dominé, sans avoir besoin de muletazos superflus pour la mise en suerte de matar.
Fernando ne fait pas des passes pour faire des passes, il TOREE.

photo Laurent LARRIEU

Que dire de plus, que les novices (le tandem DULLON-GUIFAU) qui suivirent feraient mieux d’observer cette maîtrise et cette exigence plutôt que de subir la logorrhée de conseils superficiels qui accompagnait leurs faenas. Avec un bémol toutefois pour Matthieu GUILLON, qui me semble plus sérieux, réfléchi et prometteur dans son approche.
Ils sont très jolis et très sympathiques les apprentis, avec les accessoires indispensables de leurs rêves, la gomina, le coche de cuadrillas ou les beaux trajes de campo.
Peut-être un peu surprotégés certes, mais si enjôleurs, si tendance.

Ils cèdent aux modes, comme on cède à leurs caprices, tel celui de réduire d’autorité le tercio de banderille à la pose de 2 harpons.
Après l’élimination programmée du premier tercio, serait-ce le second qui se verrait menacé?
Même omniprésence du peonage qui intervient à tort et à travers, y compris pendant la faena pour fixer un torito que leur technique superficielle n’a pas réussi à contenir.
Car là est tout le problème. Ils viennent là traduire en gestes dérisoires la faena des songes de la nuit précédente, les 3 cambiadas qu’ils ont goûté chez Castella, les 4 redondos de Perera, le pecho de Tomas.
Ils viennent aux toros comme ces godelureaux qui se rendent pimpants au rendez-vous galant, prévoyant d’attaquer la belle par «la pince du homard taquin», la besognant avec la «brouette yougoslave» pour terminer glorieusement avec le «triple enfourchement à la Sardanapale», et s’ébrouer comblés avec un: «- Alors, heureuse?». Etonnez-vous après que les femmes feignent, et que les ventes de vibros explosent!
Lecteur qui jouit de quelque expérience, dis leur que les choses ne se passent jamais ainsi dans le royaume de la volupté. Que l’union parfaite se construit de l’écoute attentive de l’autre, de ses désirs, de ses besoins et du don gratuit qu’on lui consent.
Il faut laisser son esprit disponible, libre de choisir à tout instant au gré des nécessités successives. Le toreo est l’art de l’éphémère et de l’opportunité saisis au vol par les ressources de la technique et de l’entraînement. Toi, lecteur avisé dis leur de quitter l'illusion trompeuse que les hommes satisfont les femmes (ou les toros, pardon du parallèle mesdames), mais que les femmes (comme les toros, repardon) jouissent avec qui, quand et comment elles le désirent.
Qui leur dira sinon toi Fernando?
Ils ont magnifiquement tué, se sont enivrés d’oreilles complaisantes, mais les leurs sont restées scellées au murmure de ton toreo.

Xavier KLEIN

Photo Rubén García

Photos Rubén García

AMENDE HONORABLE

L'honnêteté intellectuelle commande de reconnaître que l'émission de Fr3, «Signes du toro» (http://signesdutoro.france3.fr/index.php?page=article&numsite=1148&id_rubrique=2705&id_article=8030) a donné lieu à un exposé infiniment plus objectif que ce qu'on aurait pu craindre.
Certes le débat de fond n'a pas été traité aussi profondément qu'on aurait pu le souhaiter, mais sans être toutefois esquivé.
Il faut dire que c'est un débat technique et surtout éthique qui dépasse amplement l'objet d'une telle émission, le temps qui lui est consacré et l'attente du télespectateur.
Il faut donc, à mon sens, saluer une émission somme toute équilibrée qui pose globalement très correctement le problème.
On discerne malgré tout, au détour des mots, les présupposés du journaliste (par exemple quand il évoque les «ronchonnements» de la minorité contestataire), ce qui ne me paraît nullement dérangeant dans la mesure où il a eu à coeur de donner loyalement la parole à la contradiction.
Toute cette affaire pose tout de même un certain nombre de questions fondamentales. Et parmi celles-ci, les plus importantes dépassent le strict cadre tauromachique et relèvent de la sociologie.
J'ai parfois évoqué ici la figure de mon maître en tauromachie, le très regretté Claude PELLETIER.
L'attachement qui me liait à cet homme procédait beaucoup plus de ses qualités humaines et intellectuelles que de ses seules compétences taurines.
Il était parfaitement capable de défendre, avec talent et conviction, un point de vue, puis, après avoir discuté de remonter sur le tonneau pour reconnaître une erreur d'appréciation.
Si l'intelligence consiste à savoir reconnaître ses erreurs plus qu'à les commettre, Claude était un génie.
On pourrait faire le même constat avec Pierre Albaladejo, qui confesse sincèrement «avoir pété les plombs». Partant de cet aveu, sans nul doute difficile, et sortant de la langue de bois, des discours convenus et surtout de la mauvaise foi, on peut commencer à «causer» utilement et intelligemment.
Sur quoi reposent les termes du débat?
Olivier BARATCHART, dans un interview joint au reportage télévisé les a posé très clairement en affirmant que les évolutions inéluctables de la corrida conduisaient celle-ci à s'adapter aux nouveaux goûts du public.
Or c'est précisément ce genre de raisonnement qu'il faut s'éviter d'avaler comme une vérité révélée. Au détour d'une phrase apparemment innocente et anodine, se cache une contre-vérité criante, de celles qui nous font couramment faire fausse route.
Ce disant, je ne mets nullement en cause Olivier, ce discours étant communément énoncé et communément entendu de toute part.
J'ai appris lors de mes études universitaires à me méfier de ces lieux communs redoutables qui engendrent tant de conséquences.
Un jour où j'évoquais la «vocation touristique» de la côte landaise en reprenant l'expression d'un aménageur, mon directeur de recherche me china avec humour en me demandant qui, quand et comment avait un jour décidé de cette soit-disant vocation touristique. Etait-ce «nos ancêtres les gaulois», Aliénor d'Aquitaine ou bien plus simplement les grands groupes de promoteurs qui voulaient, comme sur la Côte d'Azur, bétonner les plages océanes?
Il en va de même des goûts. C'est l'éducation et la culture qui forment et génèrent les goûts. L'appétence des japonais pour le poisson cru, des mexicains pour l'épicé, ou des européens du nord pour la viande bouillie n'a rien à voir avec une génération spontanée, c'est le produit d'une culture, c'est à dire d'une propension créée, entretenue et...cultivée.
Ces fameux «goûts du public» qui tomberaient ex nihilo, s'imposeraient d'eux-même, et auxquels il faudrait se plier -vox populi, vox dei- sont en fait des créations du «système taurin» et notamment le produit de l'activité médiatique (presse et audiovisuel).
Exactement comme l'on formate les goûts musicaux avec la «staraque», les goûts gastronomiques avec les produits calibrés de supermarché ou les macdonalds, les goûts cinématographiques avec les séries américaines, ainsi de suite...
Or, que nous ressassent les medias taurins sinon la dimension normative des arènes de 1ère catégorie? Qu'est ce qui y est donné à voir? Quel type de toros, de toreros, de toreo? Quels spectacles sont repris et survalorisés par «Signes du toro»?
Sont-ce les élevages passionnants qu'on a pu voir l'an passé à Saint-Sever, Hagetmau, Parentis, Roquefort (pour le sud-ouest)? Sont-ce les faenas plus difficiles d'accès, qui requièrent des savoirs techniques, un œil exercé, une analyse subtile des problèmes posés par les toros et de l'intelligence mobilisée par les hommes pour les résoudre?
Non. On préfère nous livrer en pâture le brouet insipide, le hamburger pré mâché, qui ne mobiliseront ni nos crocs, ni notre réflexion. On ne fait pas oeuvre d'information et encore moins d'éducation, mais oeuvre de promotion.
Les fameux «goûts du public» sont donc le fruit du consensus entre les «majors» du mundillo (empresas, toreros, ganaderias), les plazas qui peuvent se les offrir et la presse qui par adhésion, intérêt, inconscience ou facilité (cochez une ou plusieurs bonnes réponses) les promeuvent.
Il est infiniment plus confortable de consommer passivement que de se poser des questions, surtout quand elles sont gênantes. Mais il s'agirait de temps à autres d'être à l'écoute de ce qui se passe et de ce qui se dit.
J'entends par là, qu'il ne suffit pas d'écarter d'un revers de manche certains arguments des anti-taurins, mais bien au contraire de les entendre, surtout quand ils affirment que derrière tout cela, il y a une affaire de gros sous et de profits.
La vérité n'est le monopole de personne, et il faudrait être bien sot pour ne pas la reconnaître, y compris dans le discours de son adversaire.
La politique de l'autruche n'a en effet jamais participé à résoudre les problèmes.
En attendant, il nous faut espérer que ce media du service public poursuivra dans le sens d'un questionnement intelligent, pondéré et ouvert à toutes les sensibilités taurines, qui représente la seule réponse opportune aux attaques que subit la corrida.

Xavier KLEIN

vendredi 6 mars 2009

INDULTO QUAND TU NOUS TIENS!

«Il n'existe rien de plus efficace qu'une rengaine, pour obtenir la crétinisation et la docilité des masses, comme des individus.»
Francis BLANCHE

«Mais c’est la personne humaine, libre, créatrice et sensible qui façonne le beau et le sublime, alors que les masses restent entraînées dans un ronde infernale d’imbécillité et d’abrutissement.»
Albert EINSTEIN, «Comment je vois le monde», 1934


Avec un subit et très admirable désir d’entrer de plein pied dans les débats en cours, les journalistes de l’émission «Signes du toro» de Fr3, concoctent leur prochaine émission sur le thème de l’indulto de Desgarbado à Dax.
Je ne goûte guère les procès d’intention, mais on peut légitimement appréhender, étant donné les effets conjugués de la durée limitée de l’émission, des intervenants prévisibles et d'une ligne éditoriale disons pour le moins consensuelle, que les débats se limitent au mieux à la superficialité des choses, au pire à une subtile intoxication médiatique sur fond de «la majorité a toujours raison».
Pour le coup, je me sens particulièrement concerné, dans la mesure où j’ai pris position, et à plusieurs reprises, dans ce blog et sur Campos y Ruedos (
http://camposyruedos2.blogspot.com/2008/09/de-la-pitre-trivialit-dune-journe.html).
Je ne suis pas le seul, loin de là.
Et je ne sache pas que les ténors de «l’autre tauromachie», ceux qui s’expriment dans la galaxie underground du net, et que vous pouvez trouver dans la plupart des blogs signalés sur la présente page, aient été en quoique ce soit invités à participer à ce débat, alors qu’ils se sont abondamment exprimés sur le sujet, en argumentant sur le fond.
Pas plus d’ailleurs que n’y figureront vraisemblablement pas les voix critiques d’une tauromachie envahie par l’exigence commerciale (Mario TISNE, de l’ANDA par exemple:
http://camposyruedos2.blogspot.com/search/label/Dax).
En fait, tout se passe comme si, sur un sujet comme les négociations salariales par exemple, on n’invitait à débattre que des représentants du MEDEF, des journalistes de Valeurs Actuelles ou du Figaro, des politiciens de l’U.M.P., et, pour faire bonne mesure, un ou deux artistes «raisonnablement engagés» (Michel SARDOU?, Johnny?). Le tout adossé sur des interviews de «bons aficionados», pris dans la rue.
J’entends déjà le cœur des vierges effarouchées et des pudeurs outragées, qui entonneront le cantique langue-de-boitesque de l’union à tout prix des énergies aficionadas contre la menace anti-taurine, la mâle vertu des démocrates qui recourront à la caution de l’adhésion des masses, ou la cauteleuse bienveillance de ceux qui veulent bien rester d’authentiques «aficionados de verdad», sans jamais se positionner clairement et publiquement sur les dérives du système.
On connaît bien ces derniers, les tribuns de tertulias, qui dénoncent en petit comité ce qu'ils avalisent en public.
Que voulez-vous, les honneurs, les prébendes, les sièges en commissions taurines, les callejons de faveur et les palcos sont à ce prix!
Ah, je sens que je vais encore me faire beaucoup d’amis…
Peu importe, puisque depuis toujours, je n’ambitionne rien sinon que de m'exprimer librement.
La vérité profonde de cet indulto scandaleux mais logique ressortira t-elle de l’émission?
Evoquera t-elle les vrais enjeux: la consécration du «toreo moderne», cet euphémisme pour parler d’une activité surtout commerciale parée des oripeaux de l’art?
Parlera t-on des conséquences de la transgression majeure par une plaza de premier plan, de règles fondamentales?
Abordera t-on la thématique du débordement de la compétence technique, normatrice et régulatrice d’une présidence par le désir pulsionnel et irraisonné du public?
Que non pas! Sodomisation de diptères! Arguties d’intellectuels! Aigreurs de puristes que tout cela!
La masse réclame autre chose, la masse est con, et la masse a raison, plaideront les dignes successeurs des sophistes athéniens et des propagandistes totalitaires, qui, depuis toujours, préfèrent flatter la disponibilité des instincts que de solliciter les réticences de la pensée, de la raison et de l’esprit critique.
Qu’on comprenne bien, il n’est nullement choquant qu’on défende cet indulto, c’est une opinion légitime. Il le serait infiniment plus qu’on le justifie en ne convoquant pour sa critique, ceux qui en ont clairement et vigoureusement critiqué le fond comme la forme.
Mais d’évidence, il est en «aficion moderne » des gens plus ou moins fréquentables…
Entre les prises de position –respectables en soi- de l’ami Zocato, et les déclarations de Joël Jacobi, qui ne prétend qu’à «raconter des histoires», on a bien du souci à se faire: la réflexion aura sans doute la profondeur d’un derechazo de Rivera Ordoñez.
Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait la médaille!
Xavier KLEIN
Intéressante également la conférence organisée le vendredi 20 mars par la peña Alegria de Dax sur le thème: "DE VELADOR A DESGARBADO. EVOLUTION OU DERIVE DE L'INDULTO" avec la présence de Julien Lescarret, du président des sociétés taurines de France, Roger Merlin (de l'OCT) et d’André Viard (président de l'OCT, journaliste, chargé de communication, boxeur et torero retraité, etc., etc.) . Le bon, la brute et le truand, un cartel de luxe!
Président-fondateur de cette honorable institution, et n’ayant rien à dire sur cet indulto, on n’a pas cru utile de m’y inviter. A moins que ce que j’aurai pu en dire n’ait été susceptible de confondre l’innocence des consciences et de jeter le trouble dans des esprits malléables.
Il faut savoir regarder avec humour les plus misérables mesquineries, nul n’est prophète en son pays!