Humeurs taurines et éclectiques

mardi 23 août 2016

La grenouillère dacquoise


Je demeure toujours absolument éberlué de constater l'impact d'une intervention sur internet, en l'espèce ces derniers articles du présent blog. Le texte paru samedi s'est répandu comme poux sur poilu de Verdun. Beaucoup s'en réjouissent («enfin un peu d'air frais et de liberté de ton!»), d'autres m'ont trouvé haineux ou aigri. C'est leur affaire!
En réalité peu me chaut. La Brega n'a jamais aspiré à une quelconque vérité absolue mais à exprimer des points de vue et à aiguillonner une réflexion qui fait défaut dans nos temps de pensée unique et surtout «korekte».
Je ne suis pas «gentil» et je tiens la plupart du temps la gentillesse comme une parade tactique des esprits sans caractère à l'encontre de ceux qui en ont. La gentillesse est rarement gratuite, elle tend toujours sa sébile pour encaisser l'aumône de la bienveillance. Je la laisse aux «gentils organisateurs» ou aux «gentils membres» du grand empapaoutage contemporain.

En revanche, je dois confesser un certain agacement -pour ne pas dire une grosse rogne- à la confrontation avec le déni, l'arrogance, le mépris, l'autosatisfaction, la prétention injustifiée, le foutage de gueule, la mauvaise foi, etc. qui devient monnaie courante et dont j'ai pu voir un étalage obscène et significatif à Dax, cité qui m'est chère (à tous les points de vue). Comme les copains, je suis sans doute un con, mais un con qui n'aime guère qu'on lui fasse savoir, surtout par plus con que lui.
Formulé plus élégamment, cela pourrait se traduire par deux citation complémentaires:
«Je m'estime peu quand je m'examine; beaucoup, quand je me compare» de Villiers de l’Isle-Adam («Je vaux très peu quand je me considère, beaucoup quand je me compare» du Cardinal Jean-Sifrein Maury ou plus exact dans mon cas «Je me déteste lorsque je m'évalue, je m'apprécie lorsque je me compare»)
«Je me les sers moi-même, avec assez de verve, mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.» de l'impérissable Cyrano de Rostand.
Evidemment l'esprit gascon se perd, contrarié par la veulerie en vogue. Qui accepte désormais d'assumer l'impertinence, l'irrévérence, la subversion, la liberté des pensées et des mots?

Passé ce préambule apéritif venons en au concret, c'est à dire aux raisons -et aux raisins puisque c'est la saison- de ma colère.
Dax est ma patrie de cœur et de naissance. La maison familiale est sise depuis plus d'un siècle rue de la Fontaine Chaude (on ne peut plus «dacquois»!)
Je fête cette année 50 ans d'afición «active», 40 ans d'abonos à la même place, celle là même qu'occupait mon grand-père depuis la construction des arènes.
Je suis -excellent- contribuable dacquois.
J'ai -avec de merveilleux amis- fondé l'honorable Peña Alegria de Dax en 1981, dont j'ai été président. Une peña qui a toujours su assumer son rôle éducatif (organisation de conférences, de tertulias, etc.) et son indépendance d'esprit (la parole y est libre).
J'ai beaucoup réfléchi et écrit sur la corrida, sur les corridas (reseñas, textes, articles, nouvelles, un roman en gestation).
On m'a chargé durant 6 ans de gérer les arènes d'Orthez.
Lorsque des amis me convient parfois dans un callejón, j'ai toujours mon billet acheté en poche.
Je ne me suis jamais gobergé, je n'ai jamais tiré aucun bénéfice ni aucun avantage de mon afición. Je sollicite, prend en compte et respecte les avis différents ou contraires.
Je ne tire aucune gloire, ni aucune prétention de ce curriculum.

Mais je ne supporte pas qu'on vienne m'emmerder, me traiter comme un abruti, et me manquer du plus élémentaire respect humain.
Comme être humain, comme citoyen, comme dacquois, comme contribuable dacquois, comme aficionado dacquois, comme fidèle des arènes qui ont entouré mon afición, je pense pouvoir légitimement revendiquer le droit au respect, à la liberté de parole, à l'écoute, de la part des autorités et des instances organisatrices dacquoises.
J'en ai par dessus la tête des mesquineries autochtones, d'un climat délétère qui voit dans chaque remarque, critique ou appréciation une attaque, voire une prise de position politique.
Et comme je n'ai plus ni l'âge, ni la patience d'encaisser toutes ces conneries puériles et misérables, crevons l'abcès! Par delà l'ironie, je veux croire qu'au plus haut niveau, mes propos puissent être entendus et compris.

Dax n'est pas une page blanche taurine. Il existe une culture, une histoire, un goût, un contexte, des contingences proprement dacquoises. Cela peut s'entendre, se concevoir et s'admettre. Mais cela doit aussi se parler, s'expliquer, être objet critique et de débat à la fois citoyen et taurin. Citoyen et non politique...
L'exercice de la gestion tauromachique à Dax est un art difficile et complexe du fait de l'audience, des contraintes, des enjeux. Pour autant, il doit être soumis à évaluation objective et distancée. Ce n'est pas le cas: le nez dans leur guidon, nombre des organisateurs personnalisent les propos, deviennent aveugles, sourds, autistes et limite paranoïaques: «Si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous.».
Le patio des arènes s'est transformé en salle de bal pour touristes esbaudis et courtisans flatteurs à la recherche de prébendes. Le bar -sympathique et ouvert au demeurant- est un refuge dont on ne veut plus s'extraire pour se confronter aux lieux d'afición (peñas) où l'on pourrait être objet de critiques. Il n'est plus de débats, de ces discussions d'aficionados ravis ou courroucés où rencontrer la salutaire contradiction.
Nullement bégueule avec la chose, je m'étonne tout de même d'un callejón gavé jusqu'à plus soif de gens qui n'ont rien à voir de près ou de loin avec la tauromachie. Les tendidos sont devenus taurinement corrects, les pitos «vulgaires» (au contraire des applaudissements ou des ovations qui sont du plus grand chic), la passion indésirable, l'afición castrée, la connaissance taurine répudiée. Rien ne doit venir troubler le plaisir tarifé du consommateur-spectateur souvent d'ailleurs et d'ailleurs surtout payeur.
Certes, ils payent pour cela, ce qui doit être respecté. Mais tout de même … restons dignes.

On se commet aux pires pueblerinades: on retient les arrastres pour soumettre les palcos réticents à la bronca, on écarte de ces derniers de très compétents aficionados locaux au profit d'on ne sait quels pitres conciliants, on balance la musique d'ambiante -excellente de surcroît- pour «animer» la morosité éventuelle (les «palcos-jockeys»...), on fait dégueuler les trophées dès que l'occasion -rare- se présente, l'un des alguaziles n'est plus qu'un adorno assoiffé et bavard, etc. Et quel triomphalisme pour le plus souvent peu de choses!
Dax devient un barnum balnéaire.

Certes pour les «cartels de luxe», on sait le choix des ganaderias et des toros particulièrement délicat au regard des exigences des divas. Encore faudrait-il prendre conscience que ce genre d'affiches ne remplit plus les arènes en Hispanie (et de moins en moins en France), que la soseria qui s'ensuit est ravageuse -il n'est que de considérer le bilan des dites corridas depuis 5 ans- et surtout que le manque d'émotion et de SENS A vaincre sans péril on triomphe sans gloire») sont mortifères pour l'avenir de la corrida.
Si l'on avait «malencontreusement» inversé les 3 premières et les 2 dernières corridas des ferias 2016, on aurait sans doute entendu protester contre les toros.

En tout cas, il faudrait tout de même que l'on entende à Dax une vérité évidente partout ailleurs, ce qui fait sourire tout aficionado sérieux: non messieurs, les Pedraza de Yeltes et les Baltasar Iban ne sont pas des ganaderias toristas! Pas plus d'ailleurs que ne le sont devenus depuis une décade la plupart des toros de Victorino Martin et même de Miura.
Encore faudrait-il qu'on ne se gargarisât pas ici d'un prétendu, périmé et fallacieux standing dacquois qui contraindrait à ne présenter que des «noms». A ma connaissance Las Ventas, plaza de seconde zone sans doute, fait cet effort là … sans déroger.

Sortant un peu du microcosme, fréquentant assidûment les petites plazas, les organisateurs dacquois gagneraient à introduire de la diversité, de l'originalité et de la substance avec 2 ou 3 corridas sur 7. Car quand même, 7 élevages de sang Domecq en 2016!!!
Cette orientation permettrait en outre d'initier une synergie avec l'environnement des autres plazas -modestes- du Sud-Ouest. Mettre en place une procédure concertée pour retenir la ganaderia -certes peu connue- prometteuse ou triomphatrice en novillada ou en corrida de l'année précédente permettrait de faire découvrir et de valoriser à la fois cette dernière, mais également les plazas concernée. Elle motiverait en outre les éleveurs sachant que leur bétail pourrait être répété dans une arène de renom qui se grandirait de cette initiative de collaboration.

Le même principe pourrait également être heureusement mis en œuvre pour les novilleros et les toreros peu vus, qui, triomphant méritoirement à Garlin, Roquefort, Parentis, Saint-Perdon, Orthez, etc., se verraient récompensés par un cartel à Dax. Effort modeste, grands effets, motivant pour les toreros ou ganaderos, gratifiant pour les «petits organisateurs» et honorable pour Dax.
Mais comme on le leur reproche, les «tauriarques» dacquois «ne se préoccuperaient-ils que de leur cul»?

Xavier KLEIN
Ce n'est toujours pas fini: suite au prochain épisode



2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Xavier
Heureux de vous retrouver après une aussi longue absence; j'attends la suite promise avec impatience. Patrick Sabatier 13300 Salon

Anonyme a dit…

Oh Xavier il est pour quand le prochain épisode, ça fait plus de 3 mois que l on attend; cordialement Patrick Sabatier 13300 Salon