Humeurs taurines et éclectiques

lundi 25 février 2013

Edward Sheriff CURTIS

Vous ai-je déjà entretenu d’Edward Sheriff CURTIS?
Oui, bien sûr, dans un précédent article (
http://bregaorthez.blogspot.fr/search/label/Edward%20Sheriff%20Curtis).
J’ai réussi à me procurer son «meilleur vendeur»: «Les Indiens d’Amérique du Nord, les Portfolios complets» Edward Sheriff Curtis, Taschen, 1997 dont on peut encore récupérer quelques exemplaires avant épuisement définitif.

Ses clichés me laissent rêveur. Voilà bien l'un des rares produits qui font honneur au Nouveau Monde. Mi-Indiana Jones, mi-Jack London et pour faire bonne mesure avec un troisième «mi» de Danse avec les Loups.
Un autodidacte complet, qui fabriqua sa propre machine à voler les images. D’apprenti photographe à 18 ans, il se mue en explorateur qui ne cessera plus de 1907 à 1930 d’arpenter l’Amérique du Nord pour recueillir précieusement les derniers témoignages d’une civilisation et d’un peuple qui se mourraient. Et d'explorateur, il deviendra ethnologue, mieux: humaniste! Tout cela sans savoir le grec, le latin et l'usure des fonds de culottes sur les mornes bancs d'université. Le miracle américain, le vrai, celui qui permettait de tout rêver, avant les subprimes, les fonds de pension et la dictature des Standard & Poor's et des Lehman Brothers.

80 tribus visitées au cours de plus de 125 voyages, 40000 clichés réalisés sur 30 ans, sans compter dessins, enregistrements et films.

Quand je contemple ses photos -ses chefs d’œuvres devrais-je plutôt écrire- j’y retrouve l’émotion que délivre l’œuvre également inégalable de ce grand «pec» de Félix Arnaudin qui a de même capturé les derniers frémissements de la vie de la Grande Lande de Gascogne, du temps où l’on pouvait y contempler l’horizon à perte de vue, sans que la forêt vienne cacher l’arbre.
Les deux types se ressemblent physiquement d’ailleurs et les deux usaient du matériel le plus rudimentaire qui soit, sans pixels, sans super zooms, sans électronique, mais avec les deux ingrédients indispensable du génie photographique: le coup d’œil et l’art et le désir de raconter quelque chose qui ait du sens. Tout les deux sont demeurés longtemps inconnus et incompris.
Il y a dans leurs clichés cette humanité, cette sensibilité, cette intelligence de l’autre qui lient le photographe et son sujet. Curtis aime les indiens. Il ne les photographie pas seulement comme des spécimen, des phénomènes de foire ou des mannequins.
On le sent désireux de beauté, non de folklore, de beauté intérieure et de saisir l’âme de ceux qu’il regarde et fixe sur la plaque. Tout cela à une époque où «le seul bon indien est un indien mort», au mieux un va-nu-pieds famélique, fainéant et alcoolique, ou pire, le faire-valoir «objetisé» du bon blanc civilisateur.
 
 
 
 
 
 
Ma préférée!!!
Quand j’étais môme, grand lecteur de Fenimore Cooper et des ses Mohicans ultimes, je ne parvenais jamais à me complaire dans la peau du cow-boy. En conséquence de quoi, volontairement cantonné au rôle de l’Apache ou du Sioux de service, je finissais toujours mal durant les récréations, ce qui m’importait peu d’ailleurs. Toutefois –et ce fut là l’un des ressorts d’un tempérament frondeur et rebelle- je compris rapidement qu’il y avait quelque chose de louche dans les triomphes programmés de John Wayne, de cette Amérique à si parfaite bonne conscience et que les choses ne pouvaient être si simples.
Ce fut le film, magnifique, de John Ford, «La prisonnière du désert» qui me délivra pour la première fois de la naïveté, et de l’illusion que le genre humain était intrinsèquement bon. A partir de là, ce fut comme le bout de laine qui dépasse: on tire, on tire, et tout vient, déconstruisant le beau pull-over.
Et puis il y eut «Hombre» avec Paul Newman, puis «Little Big Man», «Danse avec les loups», «Cœur de tonnerre», «Phoenix Arizona» et tout le toutim, jusqu’au récent «Même la pluie» de Icíar Bollaín (qui se passe au Brésil).

Mais mon préféré, parce qu’il rend compte d'un humour indien fort à mon goût, c’est «Dance Me Outside», 1994, de Bruce McDonald. Un film qui se refuse au piège du misérabilisme ou de la pleurnicherie et peint les amérindiens contemporains dans leur réalité prosaïque.
Sans doute que Edward Sheriff Curtis aurait également aimé les photographier…
Xavier KLEIN

vendredi 22 février 2013

«EL BATACAZO»

Avant d’être un copain, Jérôme PRADET est avant tout un personnage.
Truculent, voluptueux, passionné, excessif parfois, épris de vie et d’aventures toujours, il ne renonce jamais à la sensibilité et à la pensée, traduisant dans ses écrits comme dans ses œuvres un embrasement dionysiaque que la finesse et l’élégance de l’âme comme du style, tempèrent avec bonheur.
Jérôme PRADET «EL BATACAZO» est toujours engagé, sincère et vrai, sans calculs et sans roublardise, dans ses colères comme dans ses inclinations. Des vertus –parmi d’autres- qui le rendent précieux dans un monde de plus en plus gouverné par le paraître et la duplicité.
Un «batacazo», c'est dans la langue de Cervantes, une chute, une allusion à celle de la Maison Usher ou à la fin d'Adolf? Je prèfère l'entendre comme la fin d'un gag, le moment où l'on rit, où tout se dénoue, tout s'explique, tout prend du sens...

Quand j’admire ses dessins, chiadés à l’extrême, j’y trouve les traces –on ne sait si ce sont des influences!- d’artistes ou de courants que j’adule:
La BD et le maître Hugo PRATT tout d’abord, pour le traitement de la stylisation, de la pureté du trait et surtout l’usage du noir et du blanc dans maint graphismes.
L’élégance de l’Art Déco des années 20 à 35, dont les couleurs, les formes, le raffinement épuré, l’élancement pointent à tout moment.
Des affichistes tels que le regretté Bernard NOGARO ou des caricaturistes comme GOTLIB.

Jérôme s’est récemment «bloguisé», ce dont on ne saurait que lui être reconnaissant.
On découvre, machette en main, un foisonnement luxuriant d’images, de couleurs, de thèmes, de techniques qui nous permet d’explorer les facettes et richesses d’une activité d’artiste.
Une seule critique: qu’avait donc besoin ce sudiste impénitent d'angliciser ainsi son exergue! Sans doute les exigences de la mondialisation…
Xavier KLEIN

vendredi 8 février 2013

Gentils nazis

Pour tous les régimes et idéologies totalitaires, la propagande représente un enjeu fondamental.
Il s’agit de maîtriser l’information, d’annihiler l’esprit critique, de contrôler les esprits, de canaliser les pensées vers les thèmes «porteurs», en leur évitant de se fourvoyer avec des questions «inopportunes».
La question elle-même est prohibée, seule compte la réponse, unique, celle de l’idéologie bien entendu et le monologue du chef. Les totalitarismes ne connaissent pas le doute, ils n’ont que des certitudes: «Il Duce ha sempre ragione» (Le Duce -ou le Chef- a toujours raison). On en connaît d'autres, comme ceux qui savent si bien ce qui est barbare et ce qui ne l'est pas, ce qui est civilisé et ce qui ne l'est pas, sans doutes aucuns...

Le maître inégalé en la matière, le génie précurseur et encore insurpassé, fut Joseph GOEBBELS, Ministre du Reich à l’Education du Peuple et à la Propagande de 1933 à 1945. Antisémite et anticatholique acharné, ce fou furieux suivit son mentor dans la mort, avec sa femme Magda, non sans avoir liquidé ses 6 enfants … et ses chiens (comme Adolf), pour ne pas que les malheureux tombent dans les mains des hordes rouges.
 La personne du chef étant la cheville ouvrière des totalitarismes de tous poils, des fascismes et tout particulièrement du nazisme, une part majeure de l’activité de la Propaganda se polarisait sur la personne d’Adolf HITLER, Führer germanique, dans le cadre de la Gleichschaltung mise au pas», littéralement «synchronisation»).
Le travail de valorisation de son image tournait autour de 3 ou 4 thèmes privilégiés: Hitler/chef de guerre, Hitler/rassembleur et guide du peuple, mais aussi Hitler/l'ami des enfants et Hitler/l’ami des animaux.
Ce dernier thème, complètement atypique et original pour un dictateur, a été surexploité comme en témoigne la très riche iconographie disponible. Une particularité qu’on ne retrouve chez aucun autre dictateur du XXème siècle (Starline, Museaulini, Paul Pote, Mao Sait-Tout, Pine-au-chai, Francodeporc, etc.).

Ce n’est nullement un hasard, l’Allemagne nazie, tant par conviction profonde de ses hiérarques -dont beaucoup, dans la continuité de Guido von List ou Karl Heise étaient naturalistes, végétariens, théozoologues, théosophes, armanistes, ariosophistes, mazdaznanistes, etc.- que par l’assentiment populaire, a usé et abusé du filon animaliste. Il n’est aucunement indifférent que trône parmi les premières lois fondamentales élaborées par le IIIème Reich, le Reichstierschutzgesetz, la loi du Reich de protection de l'animal (cf.: http://bregaorthez.blogspot.fr/2009/05/nazisme-et-animalisme-1.html).
L’animalisme est de facto l’une des composantes majeures de l’édifice idéologique nazi, instrumentalisé comme telle, ce que démontre sans aucune ambiguïté l’iconographie officielle, ne serait-ce que par son foisonnement.

Si l’intimité du Führer n’est quasiment jamais dévoilée, les seuls témoignages d’affects de sa part sont exclusivement centrés soit sur son rapport à l’enfant (on le sent d’ailleurs très mal à l’aise et dans une relation distante), soit sur son rapport à l’animal à qui il prodigue une bienveillance évidente pour la plus grande sympathie des masses allemandes.
Qui ne connaît pas Blondie, le berger allemand d’Adolf?
Qui connaît le patronyme des labradors de Giscard ou de Mitterrand?
L’animalisme comme l’un des supports idéologiques du national-socialisme: qui peut en douter en voyant le gentil Adolf dans tous ses états zoophiles? 
On relèvera tout particulièrement le texte en exergue d’une photo/carte postale: DER FÜHRER ALS TIERFREUND: Le Führer, l’ami des animaux.
Gentil Adolf! Gentils nazis!


Xavier KLEIN
***

mardi 5 février 2013

Gentils toros

C'est mignon un taureau.
On peut le promener au licol sur les places publiques, dans les cours d'écoles.
On peut lui lustrer le poil, comme avec une poupée Barbie, jouer au football et le mignoter de toutes les manières possibles.
On se demande bien pourquoi certains leur collent des anneaux dans le tarin: la mode piercing sans doute!

Et puis il y a les toros.
C'est moins mignon les toros.
ça peut même se montrer carrément désagréable, surtout quand «c'est plusieurs».
Des péléasses qu'on appelle ça, surtout les médisant(e)s...
Personne ne les force à se montrer ainsi belliqueux, mais que voulez-vous, c'est dans leur nature!
Et vicelards avec ça! Très capables de se liguer contre le copain d'hier, l'ex-jefe, et d'arriver en catimini par derrière, histoire de lui refiler une petite cornada entre amis.
J'ai vu une ou deux fois le résultat des courses: des victimes littéralement déchiquetées par la fureur vengeresse de la horde,  «bouillierisées» avec férocité.
Ils ramassent dûr les assassinés! Mettent plusieurs heures à claboter dans d'atroces souffrances, «torturés à mort à l'arme blanche et noire pitonesque», comme on dit dans les milieux civilisés.
On me dira qu'ils ont été élevés pour ça!
Ouais, bon! Mais leurs cousins bisons d'Amérique ou boeufs musqués musclés de la toundra font pareil! Comme tous les taureaux du monde d'ailleurs, de l'Inde à la Péninsule Arabique! Comment ce fait-ce?
Bizarre non?

Les nôtres, les toros bravos, je fréquente pas mal leurs cercados, ce qui me confère un très léger avantage pour en causer sur ceux qui n'y ont jamais mis les pieds et qui en dissertent abondamment.

J'y ai laissé traîner un ou deux tracts «zantis», manière de leur expliquer la civilité, que la violence c'est mal, que l'anti-spécisme c'est bien.
J'ai collé des autocollants Peace and love sur les clôtures et, puisqu'ils sont nos égaux (et les egos de quelques autres...), je leur ai même placardé le texte de l'article 521-1 du Code Pénal:
«Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. En cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l'animal, qu'il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l'animal et prévoir qu'il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer. Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d'interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d'exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales. Est également puni des mêmes peines l'abandon d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l'exception des animaux destinés au repeuplement.»
Peine perdue!
Ces cons de toros s'en foutent!
Un très mauvais exemple de violence gratuite, brute, spontanée, viscérale, latente qu'ils donnent les rétifs .

Les toros ne devraient plus exister.
D'ailleurs, certains s'en chargent, pour les sauver d'eux-mêmes bien sûr, comme ces  bûchers où l'on brûlait les hérétiques, pour le salut de leur âme il va de soi.
Ou cestuy-là qui avait tranché la tronche de son taureau, parce qu'il avait couvert sa vache, et l'avait plantée sur un piquet avec un bel écriteau: «Comme ça, tu ne recommencera plus!»
Xavier KLEIN 




vendredi 1 février 2013

Le sec et l'humide


Je viens d’achever de dévorer goulûment un opuscule de Jonathan LITTELL intitulé «Le sec et l’humide» (2008, Gallimard,«L'Arbalète» 143 pages). Si le nom de l’auteur ne vous rappelle rien, peut-être que celui du prix Goncourt 2006 (également Grand prix du roman de l’Académie Française) vous dira t-il quelque chose !!!
Tant par la maturité littéraire et la jeunesse de son auteur que par la rigueur historique du décor et des faits rapportés, «Les Bienveillantes», un «monstre littéraire» de 903 pages avait fait grand bruit. Il narre la «road movie» criminelle de Maximilien Aue, officier SS, sur le front de l'Est.
En général, j’entretiens une certaine méfiance à l’endroit des modes –y compris littéraires- mais je dois avouer avoir lu cet ouvrage avec voracité, et l’avoir reçu comme un coup de poing, comme j’avais été bouleversé, dans le même genre, par «La mort est mon métier» de Robert MERLE ou «Si c’est un homme» de Primo LEVI (pour moi l'un des plus grands livres jamais écrits).
Le point commun que je trouve à ces trois ouvrages fondamentaux n’est pas tant leur thématique commune -l'horreur nazie- que leur traitement assez parallèle.
En effet, peu soucieux de pathos, ils s’obligent au récit descriptif et quasiment chirurgical des faits et des émotions éprouvées par le narrateur (on n’ose parler de héros!). Ce sont quasiment des documentaires, des relations sociologiques ou des «comptes-rendus d’autopsie» qui laissent le lecteur tirer ses conclusions.
Cette approche me séduit intellectuellement, comme m’avait séduite à une époque … lointaine, celle du metteur en scène Jean Luc GODARD qui avait déclaré lors d’une interview qu’aucun film ne pourrait jamais rendre compte de la réalité concentrationnaire (il a ensuite beaucoup critiqué Spielberg à propos du pathos de la «Liste de Schindler») à moins que l’on ne parvienne à substituer à l’œil du bourreau, l’objectif d’une caméra, ce qui est bien entendu techniquement et historiquement impossible. En cela, il rejoignait les positions d'Elie WIESEL sur l'indicible de la Shoah. 

En fait, il m’est tout à fait insupportable que l’on m’imposât une émotion artificielle et qui m’est étrangère sur ce type de sujets qui, pour moi, sort du «domaine des émotions» pour demeurer pour son appréhension, du domaine de l’approche historique et scientifique. Ce sentiment rejoint parfaitement ma défiance voire ma répulsion envers la sur-utilisation, voire le dévoiement du concept dénaturé de «devoir de mémoire» auquel je substitue le «devoir d’histoire». En effet, il me semble que la mémoire n’appartient qu’aux témoins, à ceux qui ont vécu un événement. Les autres doivent faire œuvre, INDISPENSABLE, d’histoire.

«Le sec et l’humide» selon LITTELL «a été écrit en 2002, alors que je menais des recherches en vue d'un autre livre [NOTA: «Les Bienveillantes»], depuis publié». En fait, c’est même l'une des clefs de la compréhension des «Bienveillantes».
Jonathan LITTELL reprend à son compte la grille d’analyse du chercheur allemand Klaus THEWELEIT, qui en 1977 a fait paraître «Männerphantasien» (littéralement: Fantasmes mâles) qui soumet un corpus d’écrits de vétérans nazis à une analyse sémantico-psychanalytique.

Il applique cette méthode au écrits et discours de Léon DEGRELLE, fondateur et animateur du mouvement fasciste wallon REX, qu’il entraînera dans une politique ultra-collaborationniste, dans un engagement fanatique avec le IIIème Reich qui se traduira par l’incorporation dans une Légion Wallonie (comme la Légion AZUL pour l’Espagne), puis l’intégration dans la 28ème Division SS Wallonie.
L’affaire finira mal pour les lampistes qui, comme les français de la Division SS Charlemagne, se retrouveront les derniers défenseurs du Reich, beaucoup mieux pour notre Léon qui finira paisiblement et richement ses jours en 1994 à Malaga en Espagne, sanglé dans son uniforme de SS-Obersturmbannführer.
A partir de l’étude psycho-linguistique de «La campagne de Russie», texte publié en 1947 par Degrelle, LITTELL définit la structure mentale d’un archétype fasciste: «Pour LITTELL, le fasciste ou «mâle-soldat», doit être approché par le biais de la psychanalyse de l'enfance et de la psychose, ainsi qu'avec des concepts hérités de Deleuze et Guattari, puisque «le fasciste, en fait, n'a jamais achevé sa séparation d'avec la mère, et ne s'est jamais constitué un Moi au sens freudien». C'est un «pas-encore-complètement-né», un être qui s'est construit, par le truchement de la discipline et du dressage, un «Moi extériorisé» qui prend la forme d'une carapace.
Le fasciste s'érige un «Moi-carapace» destiné à le protéger de la «dissolution des limites personnelles». Pour ce faire, il extériorise ce qui le menace de l'intérieur, et pourrait l'emporter -depuis la féminité vorace au mélange de sang, d'humeurs et de merde qu'enferme le corps. D'où la peur panique de la liquéfaction corporelle, de tout ce qui coule, et la nécessité, pour lui, d'ériger face à cette menace, «la digue de ses armes et de son corps (dur)». Alors, le fasciste, pour se structurer, structure le monde, «généralement en tuant, et structure aussi le langage, donc le réel».
La métaphore, pour le fasciste, n'est «jamais seulement une métaphore». À travers elle, ce sont des sensations physiques précises qui sont mises en jeu, lui permettant ainsi de toucher, «de sentir la réalité de ce qu'il affirme». Parler de «marée rouge», de «coup de balai», de «bourbier républicain», ou encore de «marécagisation» ou du désir de réduire l'ennemi en bouillie, n'a rien d'innocent et renvoie à la plus concrète des réalités. C'est que la parole, le texte doivent opérer ce que Theweleit appelle la «maintenance du Moi». Question de vie ou de mort.
C'est donc la forme que prend cette maintenance du Moi dans «La Campagne de Russie»(de Léon DEGRELLE), que traque Jonathan LITTELL. Elle passe par une rigoureuse et systématique série d'oppositions binaires «dont le second terme représente la menace qui guette le Moi-carapace, et le premier les qualités qui permettront au fasciste de le renforcer et donc d'échapper à la dissolution psychique». La principale est celle qui donne son titre au livre, celle du sec et de l'humide - «Contre tout ce qui coule, le fasciste doit évidemment ériger tout ce qui bande» , mais il y a aussi le rigide et l'informe, le dressé et le couché, le propre et le sale, le cuit et le cru, le repu et l'affamé, le translucide et l'opaque, le mat et le luisant... Où l'on constate que plus que le fruit d'une idéologie monstrueuse, l'état fasciste est avant tout une réalité produite par le «mâle-soldat», une histoire dans laquelle le corps -réel ou imaginé- est à la fois l'enjeu, l'objet et la victime principale «du conflit psychique confrontant le Moi-carapace à la menace de sa dissolution», liquéfaction dont la mort est l'image même. 
[...]
Reste cependant à savoir si cette analyse peut s'appliquer à tous les bourreaux du monde, si ce complexe, cette «intériorité psychiquement dévastée et institutionnellement restructurée du corps fasciste» est un symptôme universel. Pasolini y croyait, qui parlait du «fasciste universel au rire sarcastique, la main à la braguette», et qui voyait à l'oeuvre, dès le début de notre civilisation, une culture de l'anéantisseur. Klaus Theweleit, dans sa postface, semble également penser que oui, qu'on retrouve cette structure aussi bien «dans la culture virile tant eurasiatico-américaine que japonaise ou islamique». Il donne même quelques repères caractéristiques: l'homme qui accouche de lui-même en tuant autrui; le rire du tortionnaire; le corps régi par les institutions; la sexualisation de la violence; l'exhibition théâtrale de la violence et sa mise en scène. L'actualité, des sévices de la prison d'Abou Ghraib, en passant par la Tchétchénie ou bien al-Quaida, nous en donne des exemples à méditer et montre combien la question mérite d'être posée.»


La méthode, comme l'exploitation qu'instrumentalisent aussi bien THEWELEIT que LITTELL, bien que séduisantes, posent toutefois deux objections majeures qui ne manquent pas de m'irriter.
La première est la généralisation d'une grille de lecture qui devrait être systématiquement actualisée en fonction du champ et de l'objet étudié.
L'idée d'extrapoler vers d'autres types de manifestations sociologiques, historiques, sociales, etc. de culture virile (dont le paradigme taurin) certes intéressante, requiert de reposer l'ensemble de la problématique au risque d'aboutir aux mêmes aberrations que le marxisme quand il prétendait expliquer et analyser la globalité du phénomène humain.
En outre, c'est une grille d'analyse, c'est à dire une façon de voir les choses sous un certain angle, et non l'expression d'une vérité universelle et définitive.

La deuxième objection  adressée à THEWELEIT et à LITTELL rejoint mon propos liminaire, c'est celle du présupposé subjectif.
Comme toujours en sciences humaines, l'objectivité est quasiment impossible. Détacher ses affects du champ de l'étude est quasiment impossible, où il faudrait qu'elle soit effectuée par un martien ou par un naufragé qui débarquerait de son île déserte après 60 ans d'isolement. Même alors, les présupposés culturels et moraux de l'analyste seraient inévitablement mobilisés.
Comment aujourd'hui ne pas condamner moralement, de manière catégorique, ce que fut le fascisme et ce qu'il a produit. Pourtant, OBJECTIVEMENT, même le fascisme ou le nazisme ne peuvent ne comporter QUE des éléments négatifs: c'est l'argument «Hitler a supprimé le chômage et couvert l'Allemagne d'autoroutes». D'ailleurs, malheureusement, si le fascisme n'avait pas comporté d'éléments positifs, allemands et italiens n'y auraient pas adhéré avec autant de ferveur.  
En d'autres termes, LITTELL a une opinion préalable sur la question, voire même une fascination qui a justifié l'écriture de son roman. Il a parlé de cela, parce que cela le concerne, l'émeut,  le trouble.
On ne peut se départir de l'impression tenace qu'il ne part pas à la recherche d'un résultat inconnu au départ, mais qu'il parvient exactement au résultat espéré, à un objectif préconçu. Il argumente à l'appui et à charge plus qu'il ne cherche. Il part d'un postulat arbitraire et cherche à le prouver, plus qu'il ne part de l'observation pour parvenir à un constat: la vieille dialectique induction/déduction.
On finit toujours par trouver ce que l'on cherche et ce que l'on veut, même au risque de l'autoduperie...
Pour autant, il faut lire ce livre, et en faire son profit, en transposant, autant que faire se peut, sa démarche, que ce soit à propos du franquisme, de la corrida, de l'anticorrida, que du discours de nos politiques. Le «kärcher» par exemple!!!
Xavier KLEIN


Parentis

La belle et bonne cité landaise de Parentis, sise en pays de Born, jouit de trois spécialités qui la distinguent de ses consoeurs belles et bonnes cités landaises.
Elle dispose sur son territoire du plus grand domaine de production de myrtilles, une gourmandise dont les pouvoirs antioxydants sont utilisés depuis la plus grande antiquité dans le traitement de la cataracte et pour améliorer la vision. Une autre de ses propriétés cardinales est «sa capacité à restaurer la mémoire des rats âgés» (http://fr.wikipedia.org/wiki/Myrtille#Effet_sur_la_vision). On peut donc en conclure que Parentis est d’ores et déjà un paradis pour ces derniers et pour les clairvoyants.
En outre, Parentis en Born possède l’un des plus grands gisement d’hydrocarbures français en exploitation.
Enfin, si à Parentis on a du pétrole, on y a aussi des idées, ce qui se traduit par un grand dynamisme en général, et par ce qui s’impose sans doute comme la feria de novilladas la plus originale, inventive et authentique qui se puisse trouver en Gaule en particulier.

C’est sans doute le mélange des deux premières spécificités parentissoises qui permettent, entre autres, le succès de la troisième: une vision claire et à long terme, des vieux rats dotés d’une parfaite mémoire, et un savoir faire inégalé dans les sondages géologiques.
Cette dernière propriété -si elle devait encore rester à prouver- se trouve magnifiquement illustrée par la dernière initiative de l’A.D.A. Parentis (Association des Aficionartistes de Parentis) qui, ne dérogeant en rien à leur inventivité et leur audaces légendaires, on pris le parti de lancer un sondage … tauromachique.
Une idée qui démontre, s’il en était besoin, qu’à Parentis l’aficionado n’est jamais pris pour un «client» ou un cochon de payant, mais qu’on se soucie avant tout de son opinion et de l’amélioration constante des novilladas qui y sont célébrées.
Normal, lorsque la gestion de la res taurina est l’affaire d’une association dynamique d’aficionados qui n’ont d’autres objectifs que la qualité et de la perpétuation d’une fiesta brava authentique et qui ait du sens.

Laissez donc courir vos petites mimines alertes sur le clavier pour joindre le lien du sondage et également celui de l’A.D.A. Il serait bien dommage de ne point participer quand une organisation a l’intelligence, le buen gusto et la courtoisie de vous demander votre avis.
Mes plus cordiales amitiés aux «rats âgés». Rats pas rats pour deux sous, et rats des champs, il va de soi.
Xavier KLEIN
***