Humeurs taurines et éclectiques

mercredi 30 mars 2011

RAPPEL: ORTHEZ invite l'afición

La tauromachie à Orthez est affaire d'afición.
Organiser des corridas et novilladas pour dire qu'on le fait n'a aucun sens.
Le sens procède du projet et de(s) l'intention(s) qui porte(nt) l'entreprise.
En l'occurence, sans prétentions de résultats, avec des moyens très limités, beaucoup de bonne volonté, de coeur, et... d'inexpérience, toutes sortes de scories, l'intention et la volonté de promouvoir une tauromachie qui ait une saveur et une âme. Une tauromachie qui privilégie l'objet même à des considérations commerciales.
Nous ne sommes nullement les seuls: c'est en France, le combat de moult plazas où l'afición excède de loin le nombre des places.
L'Union des Clubs Taurins Paul Ricard et l'Association des Critiques Taurins du Sud-Ouest nous ont fait l'honneur, avec pertinence et courage, de primer le lot de Dolores Aguirre lidié en 2010.
Nous nous devions de célébrer la chose avec faste et dans l'esprit qui préside à notre action.
Ce sera chose faite, si Dios quiere, le 2 avril.
La tienta d'un élevage en évolution, d'un ganadero plein d'audace qui relève le gant d'un encaste rare, des vaches de 4 ans (ce qui devient rarissime), avec des toreros dont il n'est nul besoin de célébrer l'afición. Voilà qui traduit pleinement notre désir de partage et de convivialité: toros et toreros appartiennent à tous, et ce jour là, tous pourront les rencontrer, dans le ruedo et dans les "coulisses". Entrée évidemment gratuite.
La journée se concluera par un souper au Restaurant LA CASA (place du Foirail) en présence de la ganadera, des ganaderos, des toreros, et de tous les intervenants. Vous y êtes cordialement conviés (vous pouvez réserver au 05.59.67.02.84).
Dans ce genre d'organisation vient toujour se nicher un «pétiot», ou pour les anglicistes une «margagne». Cela n'a pas manqué: le même soir nos amis très chers de la Peña LOS DOS de Balansun organisent une soirée festive.
Je n'y entends pas grand chose en texaneries, mais tout le monde me dit que ce sera très bien, et tels que je connais mes accolytes de la dite peña, cela ne manquera pas de l'être.
Dans tous les cas, je sais déjà où je terminerai ma soirée.

Ce dimanche à la tienta de Funes (reportage à venir), le maestro Frascuelo était assez rock and roll (blouson de cuir, santiagues et bandana rouge... sur chemise brodée à jabot: tout un programme!).
Ce pourrait être assez psychédélique et taquin de parvenir à entraîner le cher Carlos Escolar, dont la vigueur et la fraîcheur n'excluent jamais aucune option, dans les folies orgiaques du Balansun by night.
Xavier KLEIN



lundi 28 mars 2011

L’immortalité de Cassandre.

Le bel Apollon s’éprend de Cassandre et pour la séduire lui confère le don de prédiction, mais comme elle se refuse aux avances du dieu, il se venge en veillant à ce que personne ne la croie jamais.
Cassandre, fille de Priam de Troie, met en garde et prédit sur les conséquences des actes des hommes ou des évènements, mais personne ne veut l’entendre et encore moins la croire, car ce qu’elle annonce ne plait pas.
Connaître ce qui doit advenir, accoucher du futur en quelque sorte, s’opère dans la douleur et la fureur. Cassandre initie cette voie ancestrale des chamans dans la pure tradition de la transe mystique.
Ses visions provoquent un état d’instabilité mentale qui fait croire à sa folie, raison de plus pour les hommes de les ignorer, en plus du fait qu'elles émanent d'une femme, un être sinon inférieur, du moins «subordonné» dans l'environnement grec.
Apollon avait de la suite dans les idées, son sanctuaire de Delphes se fera une spécialité de la prédiction en série. Pendant des siècles, on se ruera de tout le monde hellénique, puis romain, consulter les oracles dispensés par ses prétresses.
Comme leur devancière, Cassandre, les pythies prophétisent (du grec prophễtis: celui qui parle au nom [du dieu]) en état d’«enthousiasme» (possession divine, délire sacré).
Les premiers penseurs chrétiens ont d’ailleurs, là comme ailleurs, forcé un tantinet le trait, décrivant des folles hystériques, bavant et délirant pis qu’après un «pano» de LSD, tout ce bordel leur venant, horreur, d'une origine plus ou moins vaginale. Dégueulasse quoi!
Prophétiser n’est pas un boulot de tout repos. Vas-y qu’on vous fait mâcher du laurier, boire de l’eau croupie de la Fontaine Castalie, qu’au mépris des règlements sanitaires et sociaux on vous expose à des vapeurs souffrées. Ceci dit, c’est une situation assise (sur un trépied).
Un autre inconvénient, c’est une indispensable virginité, mais certaines s’en accommodent très bien. Ce fut d’ailleurs le cas de la citoyenne Cassandre, qui vit périr un à un tous ses prétendants, ce qui n’est pas pour inciter à la galipette.
C’est aussi un métier à risque: d’aucuns sont tentés de supprimer la prophétie en supprimant la prophétesse, ce qui n’est pas du jeu, certes, mais peut être tentant pour les esprits taquins.
Il en allait d’ailleurs de même à Rome avec les augures, qui avaient plutôt intérêt à bien prédire ou en Palestine ou «nul n’était prophète en son pays», ce qui encourageait les congrès dans le désert, dernier salon où l’on causait des affaires du monde.
Le gros problème des pythies, c’est qu’elles divaguaient tellement qu’il fallait des «traducteurs» pour les comprendre. En plus, leurs propos étaient parfois si vagues qu’on pouvait leur donner l’interprétation que l’on voulait: pratique, non?
Delphes ne fut pas pour autant l’hypermarché de la divination, même si les énormes flux financiers générés par la masse des pèlerins venus consulter, engendra les bases du premier système bancaire occidental.
Delphes fut également un bouillon de culture, un des berceaux de la philosophie et de la pensée grecque. Le «mêdén ágan» (Rien de trop) des épicuriens, ou le «gnothi seautón» (Connais-toi, toi-même) socratique, sont des productions locales, gravées au fronton du temple d’Apollon, comme la sublime aporie «Deviens ce que tu es» de Pindare repris par Nietzsche, ou l’énigmatique «E», qui pourrait signifier «Tu es» (sous-entendu, «aussi un dieu»).
***
Les choses ont-elles beaucoup changé depuis lors?
La vérité, les vérités ont toujours autant de mal à être entendues, et encore plus de mal à être comprises. Quant à être admises…
On s’en fait tout un monde, mais la vérité est … en vérité, chose simple.
Regardez les pendules, elles indiquent deux fois par jour 12h (on peut si on le désire préférer 2h13 ou 8h37, mais j’ai un fort faible pour les comptes ronds!), une vérité aisément prédictible comme d’annoncer Noël en décembre.
Certains s’en font une spécialité. Y compris sur la planète taurine.
Ayant disserté sur tout et son contraire, s’étant risqués à cuisiner à toutes les sauces, ils retomberont toujours sur leurs pattes en triomphant: «Je vous l’avais bien dit!».
En cette matière comme en d’autres, l’opportunisme fait plus recette que la conviction inébranlable, l’adaptation que la vertu, et la compromission que l’éthique.
Qu’importe, le principal n’est pas tant d’avoir la propriété de ses idées que de les voir triompher: c’est le salaire ingrat des honnêtes hommes. Juste payés d’un sourire sibyllin et «jocondesque» à la contemplation narquoise des fiers Sicambres brûlant ce qu’ils ont adoré et adorant ce qu’ils ont brûlé.
Et de ce point de vue, on est gâté.
Ceux, qui s'ils ne furent pas nombreux, furent fermes et résolus, qui faisaient le constat d'une dérive sur la planète des toros.
Ceux qui dénonçaient le dévoiement de la tauromachie «moderne», ceux qui prévoyaient les pâles après-midis victorieuses, le désaveu du public, l'affairisme du mundillo, la cupidité catastrophique de ses soit-disant «élites».
Ceux là même voués aux gémonies, traités d'extrêmistes, de talibans, d'ayatollahs, de fossoyeurs de la fiesta brava, voire de vipères lubriques.
Ceux là AVAIENT RAISON, même si l'on ne leur rend toujours pas raison. Même si les aveugles, les sourds, les autistes, les imbus, les sans vergognes, les retourneurs de veste, les résistants de la dernière heure, entendent désormais déplorer une situation qu'ils ont contribué à créer, et un constat auquel il se sont toujours refusé d'adhérer jusqu'à ce que l'évidence triomphe..
Car les vrais prophètes, les vrais annonciateurs des vérités d’aujourd’hui et de demain ne font pas florès.
Comme Cassandre, ils les «mettent bas» dans la douleur et la passion, le monde ne les supporte pas et les voue à la solitude, au rejet et à l’opprobre.
Cassandre, outre le don de clairvoyance, jouit de l'immortalité. Elle rappelle encore et sans cesse que l'Homme est souvent capable du pire, rarement du meilleur, et que de plus, sa condition était, est et sera toujours tragique, ne serait-ce que parce qu'il veut ignorer que les semences de sa tribulation sont en lui et qu'elles germent surtout  quand il se sent assuré de sa félicité.
Vanitas vanitatis et omnia vanitas.
Xavier KLEIN

Qui sont les sages? Qui sont les fous?
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lundi 21 mars 2011

OUI MAIS


Nos petites préoccupations taurines sont bien peu de choses au regard des secousses du vaste monde. En réponse à diverses interventions de blogs amis et compte-tenu de l’éclectisme affiché de la Brega, plutôt que de répondre au coup par coup, je propose ici quelques considérations dont on aura bien raison de se contrefoutre.
Il s’agît d’opinions et de points de vue et non de vérités, ce qui suppose qu’on fasse l’exercice mental de systématiquement les faire précéder d’un «il me semble que» qui ne quitte jamais mon esprit.
Bien entendu, il est parfaitement légitime de les contester.

Je me rappelle qu’en 1969, tout le monde en France–et notamment les «progressistes»- était fortement entiché d’un jeune et séduisant capitaine de 27 ans nommé Mouammar Kadhafi, qui venait de renverser avec d’autres jeunes loups révolutionnaires et nasseriens, le vieux roi Idriss qui était parti soigner ses rhumatismes à l’étranger.
La France pompidolienne avait alors les yeux de Chimène pour le fringuant officier, à qui elle fourgua dans la foulée, une palanquée de mirages.

Par la suite, comme dans tous les vieux couples, les relations se sont quelque peu détériorées. Si en famille les crises se traduisent chez certains par de la vaisselle brisée, ce qui ne prête guère à conséquence (sauf si c’est du «Limoges Grand Impérial»), il n’en va pas de même entre états quand les avions de lignes en font les frais et commencent à exploser en vol!

La France est bonne fille, mais sa diplomatie à la mémoire longue, ce qui n’est pas forcément un défaut.
Depuis, le plaisant bédouin libyen s’est transformé, à l’instar de ses camarades dictateurs, en repoussant poussah ridé et lipideux.
La France a pris l'initiative et le leadership d’une intervention contre le vieux dictateur.

OUI, on a raison de demander pourquoi là et pas ailleurs.
OUI, on a raison de demander pourquoi maintenant et pas avant.
OUI, Alain JUPPE a eu l'air con sur son perron, d'apprendre une décision prise apparemment sans aucune concertation avec les ministres, les alliés, les autres européens.
OUI, c'est l’opportunité pour le tsarévitch Nicolas de se hausser du col et de se refaire une vertu internationale.
OUI, c’est l’opportunité pour le tsarévitch Nicolas de tenter d’influer sur les élections en cours.
OUI, c’est l’opportunité pour le tsarévitch Nicolas de remuer de nouveau les peurs, notamment d’une immigration incontrôlée fantasmée, et de s’en faire le rempart illusoire.
OUI, après avoir hyper pédalé dans la choucroute en Tunisie, il fallait démontrer qu’on pouvait également le faire dans le couscous, et éviter de présenter l’image d’une collusion systématique avec tous les tyranneaux locaux.
OUI, après avoir pris nettement position et brûlé ses vaisseaux, l’affaire tournant au vinaigre coté insurrection, il fallait boire la coupe, une fois le vin tiré.
OUI, les intérêts de nos multinationales et de nos approvisionnements en pétrole et surtout en gaz sont en péril. Les pépètes des copains sont menacés
OUI, on risque moins à s’attaquer à la Libye (6 millions d’habitants), qu’à la Chine (1,35 milliard d’habitants) ou même à la Corée.
OUI, Mille fois OUI!

MAIS pour autant fallait-il s’abstenir au motif, qu'avant ou ailleurs on ne l'avait pas fait ou on ne le fait pas (Bahrein)?

Deux principes s’affrontent depuis que le monde est monde.
D’une part le principe de réalité (la realpolitik), d’autre part l'idéal, la diplomatie de la vertu et de l’angélisme. Les deux, poussés à leurs extrêmes mènent à l’impasse.
Le premier conduit à toutes les compromissions voire à repousser la solution (c’est l’hypothèse munichoise: «vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre»), la deuxième voie, partant du principe que l’enfer est pavé de bonnes intentions, est de fait irréalisable ou s'avère aberrante (Qui fera la guerre à la Corée Nucléaire?)
Ne pourrions-nous un jour poser les problèmes autrement qu’en termes manichéens de bien et de mal?
Le meilleur n'étant jamais assuré, la politique ne serait-elle pas l’art de faire au moins pire ou autrement dit, le choix du moindre inconvénient?

Il convient d’analyser objectivement la situation et surtout sa spécificité et son contexte, qui diffèrent à mon sens de situations antérieures.
Nous nous trouvons confrontés à une lame de fond qui submerge le monde arabe et maghrébin. Un mouvement comparable à certains égards à ce qu’on appela en 1848, le «printemps des peuples».

Le panarabisme autoritaire, plus ou moins social incarné par le parti BAAS (Syrie, Irak) s’est discrédité. La solution nassérienne (Egypte) a échoué. Le socialisme collectiviste (Algérie) se noie dans la corruption généralisée de la nomenklatura et ne tient plus que par l’armée.
La solution religieuse (Iran) est dans l’impasse.
Des royaumes (Arabie Saoudite, Jordanie, Emirats), seul finalement le Maroc, parce qu’il a malgré tout su évoluer socialement, politiquement et économiquement avec son jeune roi, semble stable à terme. Le Liban est miné par les divisions entretenues par des pays étrangers (Iran, Syrie).

Voilà de manière inattendue, que la crise économique vient secouer le cocotier et faire vaciller les équilibres précaires de dictateurs usés. Le feu prend en Tunisie et se répand.
Faut-il s’en réjouir? Sûrement. Enfin les choses bougent!
Ces peuples qui furent opprimés secouent le joug. On est loin de la situation de l’Irak, où aucune contestation ou opposition visible n’existaient, et où l’intervention militaire de l'Alliance, fruit du mensonge US de Bush, s’est avérée complètement artificielle.

Il n’était nullement de l’intérêt de la France de déstabiliser un régime libyen avec lequel nous venons de passer l’an dernier de fructueux contrats. Idem pour les USA, et la Grande Bretagne qui ont réglé il y a deux ans leur contentieux (indemnisation des victimes de Lockerbie).
L’origine du problème n’est aucunement l’occident, c’est une insurrection populaire de citoyens excédés.

Comment un peuple désarmé peut-il se libérer contre une armée moderne, dotée de chars et d’aviation, dont la moitié des effectifs est composée de mercenaires étrangers insensibles au sort du peuple? On l’a vu: impossible!
On n’est pas en 1830 ou en 1848 sur les barricades parisiennes où le fusil d’un insurgé valait celui d’un soldat de l’infanterie de ligne, lui même citoyen. En 1870 la chose avait déjà évolué: Haussmann avait troué la ville lumière des avenues qui permettaient de canonner tranquillement la populace, d’où l’échec de la Commune.
En outre, la Libye n’est pas aux antipodes: c’est notre «banlieue» à ¼ d’heure de vol d’un Mirage parti de Corse, aussi éloignée de nous que la Grèce.

L’application de la doctrine (que je défends) du moindre inconvénient justifie que l’on soutienne un peuple révolté contre son tyran, une lutte justifiée moralement, personne ne le conteste. A défaut d’être la meilleure solution, c’est la moins pire.
Ceci dit, rien n’assure qu’après 40 ans de «stérilisation démocratique», les libyens, sans tradition d’état de droit, ne troquent une tyrannie pour une autre, on l’a vu en Iran par exemple. D’autant qu’à n’en pas douter, les occidentaux préfèreront un régime «rassurant» pour leurs intérêts bien compris.
Le pire serait que l’on ne mène pas l’affaire jusqu’au bout, comme en Irak pendant la première Guerre du Golfe (ce qui avait justifié la mainmise US sur la zone). Khadafi DOIT TOMBER, sinon nous sommes embarqués pour des années d’instabilité.

L’Histoire des Hommes n’est pas morale, et le happy end est rarement au rendez-vous.
La seule véritable question éthique que l’on puisse se poser dans ces circonstances est extrêmement simple: si vous étiez libyen, que préfèreriez-vous?
Xavier KLEIN

LODOSA (Navarra) dimanche 6 mars 14h y picos

Mon Dieu qu'il était laid!
Laid et tordu de partout, autant au physique qu'au moral!
Ensellé, hirsute: un quasimodo des toros, puissant et difforme.
On comprend aisément que le ganadero ait voulu qu'on l'expédie en privé.

Raul VELASCO est un garçon dont l'afición est chevillée au corps, nous en avons déjà souvent parlé.
Pour lui, le rêve n'est pas tant de devenir une «figura» que de bouffer du toro, d'en bouffer jusqu'au rabo et aux pezuñas, à s'en faire péter la muleta, à s'en horripiler la coleta, à s'en dépendre les machos de la chaquetilla.
Enragé, certes, mais de cette passion qui n'exclut jamais l'usage de la raison et de l'intelligence, servie par un courage à toute épreuve.

Voir Raul observer un toro, c'est comme voir Garry Kasparov préparer un gambit décisif, c'est le spectacle de l'intelligence dans le toreo.

Raul ne ment pas, Raul ne triche pas, il résout l'équation taurine avec les toros dont les autres ne veulent pas, et il aime cela.

Avec cet affreux, il était servi!
D'entrée l'autre le regardait en coin, d'un oeil torve, à l'affût de la moindre faute, d'une brusque révélation du corps au détour malencontreux d'une passe, de ces fautes  qu'on se permet sans conséquences avec les toros «modernes», mais que ce spadassin là ne laisserait pas passer. Il ne quittait pas l'homme du regard, n'apportant qu'un intérêt très mitigé à l'étoffe.
Il fallut monter à l'assaut baïonnette au canon pour un corps à corps sauvage dans un nuage de poussière.
Le teigneux fit choir la cavalerie dans une charge rageuse.
L'empoignade reprit de plus belle, dans une lutte pied à pied de passes de châtiment par le bas, de muletazos pitón a pitón. Raul se croise, leurre le monstre autant qu'il peut, courant la main pour allonger sa course dans une extension démesurée. Peu à peu il le civilise, l'incurve, lui apprend la muleta.

Jamais le toro ne s'abandonne vraiment. Jusqu'au bout il ne cessera de manifester du genio, ne consentant l'étoffe qu'à regret, la prunelle toujours inquisitrice et soupçonneuse, la corne chercheuse de l'opportunité.
Mais il passe. Malgré tout il passe et s'assouplit, s'incurve peu à peu autour de l'homme, obligé par sa volonté et son art.
La plupart n'aurait pas essayé, encore moins insisté.
Mais Raul n'est pas tout le monde. Il porte l'esprit de la lidia à son paroxysme: résister, dominer et vaincre. Jusqu'au coup d'épée complètement engagé: une épée contraire, quoi de plus probant?
Se battre avec autant d'engagement et d'intensité, sans public, juste quelques amis et aficionados, dans ce monde grisâtre de parpaings si peu romantique, risquer un méchant coup de corne, sans recours et sans secours, c'est cela l'afición...
Xavier KLEIN

 



















dimanche 20 mars 2011

Petites nouvelles du front

Notre ami Pierre farfouille et dégotte régulièrement des petits trésors sur internet. Il me communique ce «clip» absolument superbe qui illustre de manière épique une certaine vision du rapport de l'Homme à son environnement. Un rapport que le titre de la vidéo explicite: «Human planet».
 
J'ai regardé et j'ai admiré la beauté des images souvent spectaculaires.  
Toutefois, à l'issue, un vague malaise s'est fait jour.
A ces images se superposaient d'autres, celles de Yann Arthus-Bertrand, vous savez le bel écologiste bronzé, le copain de «Nique» Hulot, l'homme du complexe politico-écologico-industriel, qui crame annuellement en hélico, dix fois plus d'énergie fossile que le district de Namentenga au Burkina Faso (http://cequilfautdetruire.org/spip.php?article1520 et http://www.pacte-contre-hulot.org/). Images qui néanmoins nous révèlent la beauté vénéneuse du côté obscur de l'activité humaine.
Les images magnifiées de «Human planet», d'une noble humanité en lutte pour la survie n'appartiennent-elles pas à une vision romancée et idéalisée du monde?
Les esquimaux d'aujourd'hui vont au supermarket en 4X4 pour s'acheter la gnôle avec laquelle il se détruisent.
Les faveleiros errent en haillons sur les montagnes d'ordures des décharges de Sao Paulo (lire ABSOLUMENT l'extraordinaire et insoutenable «Manuel pratique de la haine» de Ferréz).
Sans compter les horreurs que l'Homme inflige à la terre, nous le constatons ces jours ci au Japon. Encore que la Terre soit fort capable de se les infliger aussi toute seule.
Etc., etc., etc.

Et puis, il y a les «occidentaux», les privilégiés -et encore ça dépend desquels, selon que l'on soit puissant ou misérable!- qui peuvent se permettre cela (j'en reçois régulièrement par mail):
Une perversion absolue mille fois plus scandaleuse à mes yeux, que toutes les affiches de toros «torturés» que les «zamis des zanimaux» aiment tellement à brandir.
Sait-on qu'en Californie on psychanalyse les toutous, on leur érige des mausolées et on leur lègue des fortunes?
Sait-on qu'avec les sommes colossales de l'industrie alimentaire des animaux de compagnie du monde soit disant «civilisé», on pourrait éradiquer la famine de l'humanité et la pourvoir en eau potable?
C'est cela la civilisation: préférer engraisser ASSUROPOIL et le lobby animaliste que d'être solidaire avec les humains!
Nous vivons une époque moderne...
Xavier KLEIN
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vendredi 18 mars 2011

LODOSA (Navarra) dimanche 6 mars 13h15

Longeant le cours de l’Ebre, nous avons suivi de par les routes navarraises le convoi de fortune formé par le camion du picador et l’équipe de Fr3, managée par Don Vincente «ZOCATO», pour nous rendre à LODOSA, dans la Ribera.

Raul VELASCO devait y tienter, mais nous avions décliné l’invitation, ignorant qu’il fût possible de s’y rendre étant donné que le même piquero qu’à Funes devait y officier.
Comme à l’accoutumée, nos hôtes avaient bien organisé les choses (vous pensez avec la french TV!).
Après la dégustation gourmande de la production maison d’asperges brevetées, on nous véhicula en remorque communautaire tractorisée, à l’autre extrémité du kibboutz.
Le ganadero avait prévu grand et somptueux: la journée devait s’ouvrir en campo abierto, par un acoso y derribopoursuite et harcèlement» pour les russophones).
L’événement étant organisé à la bonne franquette, on attendit avec patience le jaillissement des fauves.
Au premier coup, la jolie rouquine prit tant d’avance que les cavaliers ne purent la rattraper avant la ligne d’arrivée à l’autre bout du champ.
Volte face et retour, bis repetita placent.

Le problème, c’est que la bestiole, nonobstant la célérité de sa course, avait pu jeter quelques œillades investigatrices et ainsi identifier des terrains de connaissances.
Ainsi, à mi-chemin, entreprit-elle hardiment d’infléchir sa trajectoire pour brutalement obliquer vers la clôture de palettes qui la séparait de la liberté. Et la coquine de la sauter prestement!
Panique à bord! Que faisait la policia?
Et tout l’équipage, Raul en tête, de se ruer à la barricade pour tenter de réintroduire la raisonneuse dans le droit enclos.
Désolé pour la piètre qualité: cliché pris à 100 mètres!
On assista ainsi de manière complètement inédite à une demie faena en palette, avant que la frondeuse ne s'éclipsât définitivement dans l'entrelac complexe et bordélique des clôtures de fortune: à elle les premières asperges! Ca ne s'invente pas...
La suite s'avéra plus classique. On dégota une autre candidate pourvue d’intentions moins aventureuses et infiniment plus conciliantes, façon toro moderne, à qui Raul se fit une joie de tirer 314,7 passes, si j’ai bien compté, en dépit d’un épuisement consécutif à sa course et/ou une faiblesse rédhibitoire. Un loukoum de vache que la garde rapprochée de Raul apprécia confortablement étendue sur l’herbette.

Il n’en demeura pas moins que le sieur Raul démontra, si besoin est, l’étendue de son savoir et de son art.


La suite ne devait pas être piquée des hannetons et donner dans l'épique.
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vendredi 11 mars 2011

FUNES (Navarra), dimanche 6 mars, 10h37

Dans le feu de la passion, je vous ai fait partager en priorité ce moment unique vécu avec le Maître FRASCUELO.
Pour autant, la tienta de Funes a réservé quelques autres plaisirs non négligeables.

L'accueil tout d'abord, et la rencontre avec la famille DOMINGUEZ, une dynastie de ganaderos qui fournissait les festejos mineurs en tous genres et les rues des pueblos de Navarre.
Enrique qui préside aux destinées de la ganaderia a une bonne bouille de Sancho Panza, mais dans sa tête et dans ses rêves, c'est un vrai Don Quijote.
Il nous avait organisé le tour détaillé du propriétaire d'une finca certes modeste mais remarquablement bien tenue et équipée, typiquement navarraise avec ses clôtures de bric et de broc, où palettes et traverses de chemin de fer trouvent une seconde jeunesse plutôt poétique.
Après avoir passé  les serres et les champs d'asperges (d'appellation d'origine contrôlée navarraise) on découvre la finca, en bordure de la rivière,  qui se décline sur des terrains alluvionnaires animés ça et là par des bosquets de peupliers.
La diversité du bétail traduit les diverses sources de l'apport Escudero, et constitue un rébus morphotypique que le compañero Thomas THURIES, maître incontestable (et incontesté) de http://www.terredetoros.com/ a trouvé une volupté toute particulière à décoder. Un plaisir et un privilège de l'entendre reconnaitre tel ou tel trait Coquilla, tel profit asaltillado au grand contentement d'Enrique tout aussi passionné.
Des gens de toros sérieux qui connaissent les arcanes secrets des toros et les traitent avec pragmatisme.

Il persiste toujours  dans ces élevages l'ambition secrète d'accéder à l'«autre» tauromachie, celle qu'ils perçoivent comme la grande, la vraie.
Chez Hermanos Dominguez, l'entreprise semble prendre forme avec le rachat du bétail de l’élevage de Jesus Perez Escudero (Tenebron près de Ciudad Rodrigo) qui décline le santacoloma dans ses variantes Saltillo et Coquilla.
Une entreprise rude, en dépit des atouts d'un sang aristocratique, la conduite de la ganaderia d'origine s'étant quelque peu relachée (il n' y a pas eu de tientas depuis 8 ans).
Tout est à faire, et d'abord prendre la mesure des 200 vaches achetées, à sélectionner sévèrement. Celles qui ne satisferont pas ne seront pourtant pas dédiées au matadero, elles s'en iront gambader dans les rues des villages de Navarre pour y perpétuer la flamme.

C'est dire que les tientas y compris celle du 6 revêtent une importance fondatrice en ce qu'elles s'avèrent déterminantes pour l'architecture et le faciès futur de la ganaderia.
Il n'est nullement anodin qu'on y tiente des vaches de 4 ans y picos, évènement en raréfaction, .
De la tribune, Enrique dirige les opérations avec autorité et compétence.
Il sait ce qu'il veut, vérifiant et validant le moindre indice, par exemple en fin de faena, la fijeza des candidates à la gésine.

 Outre le sieur Frascuelo, une poignée de toreros ou prétendants à l'être, se trouvèrent en lice.
Parmi eux, Jean-Baptiste MOLAS, issu d'une lignée d'aficionados dacquois (petit-fils de Pierre Molas qui présida aux destinées du ruedo dacquois) se distingua par une prestation d'une grande élégance sous la houlette de son père Vincent.
Il y avait là un sitio, un temple et une finesse de geste qui augurent heureusement. A suivre avec attention!
Mise à part une, les vaches surprirent par une grande suavité à la muleta pour qui savait mobiliser le bagage technique indispensable avec des santacolomas.
Elles allèrent crescendo à la pique, fuyant plutôt sur la première, par timidité, avant d'aller a más sur les suivantes. Classique dans cet encaste!
Deux furent exceptionnelles «pour le torero», comme on dit dans les callejons (dont celle de Frascuelo).
Dans le prochain épisode, l'ultime de la série, nous nous transporterons à Lodosa, à la rencontre de Raul VELASCO.
Xavier KLEIN
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