Humeurs taurines et éclectiques

lundi 31 mai 2010

«L’ivresse du toreo abouti»

«Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse»
Alfred de MUSSET

«Qu'importe le fat con pourvu con ait liesse»
Xavier KLEIN

Preuve s’il en est, que le fait de tenter parfois de redéfinir les concepts n’est en rien inutile, cette saillie tirée d’un éditorial d’A. VIARD ("Faillite collective" http://www.terrestaurines.com/ du 31/05/10).
Contrairement à ceux qui le vouent aux gémonies, notre Dédé national m’est parfaitement indispensable.
Non seulement parce qu’il nous tire périodiquement et salutairement de l’ennui, du ronchonnement ou pis de l’enfermement dans les débats clos; mais surtout parce qu’avec une manière d’ingénuité, il théorise et résume par des propos limpides toute l’ambiguïté et les travers de la tauromachie actuelle.
Dear André «[a] besoin aussi des faenas de Morante et du Juli, de connaître l'ivresse du toreo abouti.». C’est dire on ne peu plus clairement qu’hors ce type de faenas, devant les toros qui les mettent en scène, il n’est point de «toreo abouti». Hors mon église point de salut! C’est dire également l’exact opposé de la thèse que j’ai développée dans la série d’article sur le «bon toreo».
Le «toreo abouti» et l’indispensable ivresse censée l’accompagner ne se pourraient donc connaître qu’avec les cartels «modernes» et par ailleurs luxueux.
Voilà un point de vue, à mon sens éminemment restrictif, qui limite et réduit péremptoirement la palette de l’infinie diversité du toreo.
Le «toreo abouti» ne saurait donc exister avec des «Partido de Resina, des Dolores Aguirre, des Prieto de la Cal, des Miura, des Saltillos ou des Victorinos». Les ganaderos de ces élevages ne manqueraient pas d’apprécier, merci pour eux…
Et l'on peut regretter que ces propos pour le moins définitifs ne leur aient point été tenus lors de certaine sauterie à l'ambassade de France à Madrid. Les petits fours auraient sans doute eu du mal à passer.
La suite n’est pas piquée non plus des hannetons, et le raisonnement ou plutôt la tragédie se dévoile en 5 actes:
1°) «avant d'aller aux arènes, je lis les affiches»
2°) «il y a des noms qui sont rédhibitoires pour moi, tant chez les toros que chez les toreros»
3°) «j'ai du mal à comprendre que l'on puisse se rendre aux arènes à contre-coeur, voire, ce qui est pire, en préméditant d'y manifester son mécontentement»
4°) «Ne serait-il pas plus sage de ne pas y aller lorsque l'on sait par avance (mais le sait-on jamais vraiment ?) que l'on sera déçu?»
5°) «n'est-il pas plus responsable, une fois que l'on y est, de supporter en silence le désastre plutôt que de rajouter à la confusion en transformant les tendidos en manifestation?»
«Sage»! «Responsable»! Diantre, c’est sublime! On dirait du Corneille ou les morceaux choisis de Philippe Henriot, l'apôtre de la résignation (http://raknagar.blogspot.com/2007/09/discours-de-philipe-henriot-fin-1943.html).
En d’autres termes: soyez consentants! A la rigueur soyez passifs ou mieux ne soyez pas!
En appliquant ce type de raisonnement à d’autres champs, culturels, sociaux, syndicaux ou politiques, on entretient là une parfaite définition de la résignation que tout pouvoir attend de ses sujets.
Exemple:
1°) «avant d'aller voter, je lis les affiches»
2°) «il y a des noms qui sont rédhibitoires pour moi, tant chez les candidats que chez les partis»
3°) «j'ai du mal à comprendre que l'on puisse se rendre aux urnes à contre-coeur, voire, ce qui est pire, en préméditant d'y manifester son mécontentement»
4°) «Ne serait-il pas plus sage de ne pas y aller lorsque l'on sait par avance (mais le sait-on jamais vraiment ?) que l'on sera déçu?»
5°) «n'est-il pas plus responsable, une fois que l'on y est, de supporter en silence le désastre plutôt que de rajouter à la confusion en transformant les élections en manifestation?»
Malheureusement, il y a un petit hic hélas, c’est là qu’est l’os.
Je suis né à Dax, j’y ai vécu et je continue à m’associer au destin de la ville qui m’est chère, où je paye toujours (beaucoup) d’impôts locaux. Impôts locaux qui, je le rappelle, permettent à la cité de vivre et aux activités -dont la tauromachie- de se développer.
En outre, j’y occupe aux arènes la même place qu’avait choisie mon aïeul à la construction des arènes: une aventure quasiment centenaire.
«Chez nous, à Dax», l’organisation ne relève pas d’une empresa, mais d’une régie municipale, expression indirecte de la volonté populaire. Certes on ne vote pas (ou l’on devrait pas…) en fonction des toros, mais la chose y recèle toutefois tellement d’importance qu’on rapporte que le président de la Commission Taurine serait, selon le mot du maire, «le deuxième personnage de la cité».
Je ne commettrai pas l’indélicatesse, en tant que président d’une commission taurine (mais d’autres n’ont pas ces scrupules plus au sud) de manifester publiquement mon avis sur les cartels dacquois.
Toutefois, ne jouissant à Dax d’autre privilège, comme les copains, que de payer (cher) mon abono (et celui de mon fils), je crois conserver le droit fondamental et élémentaire, n’étant pas invité, de manifester, comme je l’entends, ma satisfaction ou mon mécontentement lors des novilladas ou corridas.
Je continuerai donc, au risque de déplaire à Monsieur VIARD, qui lui ne paie pas sa place, à être «irresponsable» en refusant de «supporter en silence» les désastres programmés.
C’est d’ailleurs ce que n’ont pas manqué de faire pendant des années de manière très démonstrative, à quelques places de la mienne, ceux-là même qui président aujourd’hui aux destinées de la programmation dacquoise.
C’est d’abord une affaire de passion: doit-on se censurer?
C’est aussi une affaire d’aficion: le destin et le sérieux des arènes de «ma» ville m’importent, et je ne saurais accepter sans réagir qu’on y galvaude n’importe quoi.
Monsieur VIARD étant de tous les callejons n’est en définitive d’aucun et ne comprend sans doute pas cet attachement affectif et cette fidélité à la plaza de «sa» ville, nonobstant les cartels.
Ne payant jamais sa place, il méconnaît complètement le droit inaliénable (et le devoir) que concède le fait de la payer. En l’occurrence celui d’adhérer et de se réjouir, mais également celui de contester et de protester.
Par delà la simple expression tauromachique, c’est comme si l’on vous mettait en demeure de soutenir la politique du gouvernement ou de se taire voire de s’expatrier.
Inacceptable!
Dédé tel qu’en lui même: la «révolution nationale » taurine en marche…

Xavier KLEIN

jeudi 27 mai 2010

MAYORAL

Gracias à Luis, aficionado ardent et lecteur fidèle et émérite (il ne comprend pas le français)...











VISITE A LA GANADERIA DE SALTILLO

Quelques photos de la visite à la ganaderia de Saltillo, où les membres de la Commission taurine d'Orthez ont été reçus avec l'exquise hospitalité et la magnificence chaleureuse que nous ont dispensés les ganaderos.
Toute notre gratitude à Don Enrique et à Don Felix.
Parmi les photos, ceux des 5 novillos qui seront lidiés à Orthez le 25 (sauf incidents de campo). Un choix difficile établi sur des critères de type, de présentation et de notes. Un lot qui ne sera pas forcément (et volontairement) "igual" pour présenter les diverses facettes et typologies de l'élevage. Un jeu de piste pour ceux qui auront à coeur de repérer les influences.
Le(s)quel(s) préférez-vous? Les paris sont ouverts.
Nos remerciements à la gentillesse et à l'enthousiasme d'Alberto LAMELAS et de Javier HERRERO.
Xavier KLEIN




















Javier HERRERO
Alberto LAMELAS
Don Félix MORENO de la COVA
Don Enrique MORENO de la COVA
Don Enrique MORENO de la COVA

vendredi 21 mai 2010

Qu’est-ce que le bon toreo? FIN

«Et le combat cessa faute de combattants»

L’actualité récente avec cette novillada de Moreno de Silva où 2 toros rentrèrent vivant au toril vient à point pour illustrer la fin de notre propos.
Il faut noter que si l’on en croit les réactions à cet événement, une prise de conscience semble se faire jour. Les articles d’André VIARD (ceux du 19, du 20 et surtout du 18 mai
http://www.terrestaurines.com/forum/actus/01-05-10/18-05-102.php) sont à cet égard éloquents, et je souscris presque entièrement à ses propos.

La problématique du toro et celle du toreo sont intimement liées. C’est une évidence apparente que de le relever, sauf qu’on en tire rarement la logique et toutes les conséquences.
1°) C’est parce qu’on se dirige vers un toreo unique que l’on se dirige également vers le mono-encaste jpédien.
2°) La lidia du toro, en tant que science et technique de résolution des problèmes posés par la DIVERSITE des toros est non seulement en train de disparaître de facto, mais plus grave de spirito. C’est à dire que les nouvelles générations de toreros n’en comprennent plus ni le sens, ni l’utilité.
3°) On aimerait qu'A. VIARD ne se contente pas seulement du constat fataliste de la chose (constat qu’il commence à admettre), mais se questionne également sur les CAUSES. Causes qu’il ne peut écarter d'un revers de manche sous les seuls arguments du «goût du public» ou de l’évolution du «marché», sachant pour employer la même dialectique que lui, qu’autant le goût que le marché sont déterminés par l’appareil de production et surtout les medias.
Les modes sont lancées par tout le monde sauf par les consommateurs.
4°) Qu’il importe que reconnaissant l’importance du phénomène, les principaux acteurs de cette formation du goût, c’est à dire les medias, prennent la pleine mesure de leurs responsabilités et fassent œuvre de pédagogie et de valorisation de «l’autre tauromachie».

Il est absolument indispensable dans cette perspective d’apprendre au public à DISCERNER et à replacer dans le contexte, y compris dans le «clan» torista, où l’on veut trop souvent que des toros complexes soient toréés comme les toros «modernes».
A ce sujet, j’assistais dernièrement à une tienta.
Sur les deux toreros présents, l’un a lidié en prenant d'emblée en compte la complexité de ses adversaires, commençant par châtier et intéresser, puis toréant comme il convenait en «marchant» et en S’ADAPTANT. Ce faisant, il a mis en valeur les qualités de ses vaches, la longueur de leur charge, leur embista, l’explosion d’une caste difficile à endiguer. L’autre a voulu «toréer moderne» en liant sur place, non pas les passes que les vaches nécessitaient, mais celles qu’il rêvait de leur servir: il s’est fait "bouffer tout cru".
Si ce garçon est intelligent, il se dira qu’il n’a pas résolu le problème et se remettra en cause.
S’il est obtus, cela aura été de la faute d’un mauvais bétail (cf. réactions du sieur Paco Chaves à Madrid: "No pasa nada, salgo con moral y yo lo que busco es una tauromaquia de profundidad y de querer torear bien y con ésto es imposible", para quien "ganaderías de éstas no debían ni de existir o por lo menos si existen que no exijan pegar un muletazo a un toro sino andar con ellos.").

Le bon toreo est le toreo qui résout les problèmes posés par le toro, quels que soient ces problèmes, quel que soit le toro. Le succès ou le triomphe, c’est autre chose.
Cela suppose un public, des présidences et des journalistes éclairés et «sachants».
Si un toro n’a que 10 muletazos dans le ventre et que le torero les tire, IL A BIEN TOREE.
Si un torero se confronte à des toros difficiles, il faut tenir compte de cette difficulté dans l’appréciation de sa prestation et l’attribution des trophées.
Une ou deux séries tirées sur une corne a priori impossible, après un travail de brega, constituent objectivement un exploit.
Je suis souvent en désaccord avec des copains présidents à qui vous demandez pourquoi ils n’ont pas attribué de trophées après des faenas valeureuses et méritoires qui vous répondent: «Le public ne les demandaient pas et le toro ne permettait pas…».
Mais si! mais si! le toro permettait: il a permis «cela», par l’art et la science du torero. C’est un exploit autrement plus louable que les cent passes données à une trottinette, sanctionnées par une queue.
Continuons avec le Cid de Corneille «A vaincre sans péril on triomphe sans gloire», maxime qui ne semble plus d’actualité, puisque c’est l’attitude contraire qui semble le mot d’ordre de nos temps: moins il y a de péril, plus on triomphe !
Le mal est profond. Il s’instaure dès les novilladas non piquées où, par empathie mal comprise –l’enfer est pavé de bonnes intentions- on survalorise la moindre prestation d’un gamin, le dupant, et sur ce qu’il fait, et sur ce qu’il vaut, l’incitant à la facilité et à la superficialité, plutôt qu’à l’ascèse du travail et du «vingt fois sur le métier…».
Et quand on fait remarquer ces travers, on s’attire immanquablement les foudres des aficionados «bienveillants» qui laisseront choir trois ans plus tard, sans mémoire et sans remords, le cher garçon désabusé, irrémédiablement tombé de son petit nuage.
La lidia s’apprend. Il n’est que de l’enseigner et de la mettre en valeur.
Cela sous-entend des formateurs compétents, des publics exigeants et informés, des présidences éclairées, des journalistes pédagogues et objectifs.
Quand on sortira de l’idéologie et de la défense des intérêts à court terme du mundillo, on pourra espérer une évolution positive.
Mon rêve est de revoir un jour 10 passes sincères, engagées et techniques mieux appréciées et récompensées qu’une faena tapageuse de 100 «passages» de camelote.
Car c'est le fond du problème, il y a des PASSES et des PASSAGES.
C’est dire s’il y a du pain sur la planche!
Xavier KLEIN

SOLIDARITE: le Père Pedro

Magnifique texte de l'ami Chulo Il a une gueule de pirate, juché sur son navire amiral des hauteurs de Tana (nota: Tananarive – Madagascar).
Il a quelque chose de minéral et des mains de granit qui protègent «ses» enfants.
On pourrait l'imaginer aussi, «talon» de rugby, genre teigneux, avec son cou de toro et ses épaules de fort des halles, mais il aime le football.
Et dans les yeux, quelque chose de très clair, comme l'air d'ici; de résolu, avec ces éclairs de gaieté du rire qui déchirent parfois un ciel lourd de compassion tendre.
Il a bâti une véritable ville qui regroupe, je crois, plus de 10 000 âmes, et il a d'autres implantations à Madagascar.
Il a arraché les femmes et les enfants d'ici aux décharges publiques; il leur a donné un toit, une vraie maison en dur, un travail, et une dignité.
Il a sécurisé des familles souvent matriarcales, parfois fixé les hommes, si volatiles. Ils construisent de nouvelles maisons, ou travaillent aux carrières de pierre, à l'artisanat, les travaux du bâtiment ou à la récupération de métaux.
Cette ville a une administration, un terrain de foot, des entrepôts, mais aussi des écoles pour les enfants, un dispensaire, pour tous.
Il dit sa fierté de ces vrais rescapés qui vont à l'Université et de ces cadres de son «entreprise» qui prennent le relai de la gestion, issus de cette filière.
Il y a aussi, bien sûr une grande église qu'ils ont construite aussi, simple et dépouillée.
On m'a dit que l'office du dimanche, c’était quelque chose! Un peu comme une messe de gospel, telle qu'on l'imagine, peut être un peu plus bordélique, car les malgaches aiment naturellement la joie et le rire, encore plus lorsqu'ils ont un toit, un travail et n'ont plus faim.
On imagine qu'il faut organiser cela, à tous de points de vue, trouver des marchés pour les productions, vendre, gérer, assurer l'ordre, éduquer, réguler plus ou moins la natalité que la misère rend galopante. Il faut également réapprendre à vivre sans le redoutable rhum malgache, qui est au rhum ce que le kérosène est à l'Armagnac hors d'âge, bien qu'encore plus nocif pour les neurones. Bref socialiser les laissés pour compte et équilibrer un budget qui ne peut être que fragile.
«Sa» ville est ordonnée avec ses maisons proprettes, ses rues.
Tout n'y est pas facile tous les jours, redonner de l'espoir n'est pas si simple, encore moins pour ceux dont le seul objectif dans la vie était de savoir ce qu'ils allaient bien pouvoir manger, à n'importe quel prix, quand par chance ils mangeraient.
Ça vous occupe une vie et vous donne de mauvaises habitudes.
Ça laisse aussi des traces, une tendance au laisser aller peut être, lorsque le lendemain est sans autres surprises que les surprises normales de la vie.
J'image qu'avec sa gueule de forban, il veille au grain, c'est ce qui se dit là bas!
Son charisme est immense, il a su organiser des soutiens et des réseaux, qu’il réanime tous les ans en Europe.
Son risque majeur est celui du succès, de démontrer de façon trop voyante qu’il peut exister une solution, hors de la corruption, des subventions qui tombent dans des trous noirs.
En un mot, cet espoir pourrait déranger, constituer un état dans l’état, un modèle dérangeant, un exemple vénéneux, un savoir-faire accablant. Car ici, les subventions des états sont des chasses gardées.
Je suis athée comme un pot de yaourt, dirait Marmande, pourtant chaque année je vais dans cette ville, je le rencontre parfois, le pirate «talon», et j’espère cette année assister à l’office joyeux du Dimanche, auprès de ces enfants aux rires d’étoiles.
El Chulo